mercredi 21 mai 2008

L'enfant tornade

Des nuages noirs s’annoncent sur l’avenir du petit Jehan. Les parents ont été appelés à l’école. Rien ne va plus! Leur enfant serait atteint de TDAH…

«Nous sommes inquiets, mon mari et moi, pour l’avenir scolaire de Jehan. On nous parle déjà de penser éventuellement à un enseignement spécial si la situation ne s’améliore pas. L’institutrice se plaint de son incapacité à se concentrer, il bouge sans cesse, il dérange la classe, il donne l’impression de n’avoir aucun intérêt pour les tâches scolaires. Tout le monde s’accorde pour dire qu’il ne manque certainement pas d’intelligence mais son comportement dérange trop. A la maison, c’est aussi un enfant agité. Il reste difficilement en place et une concentration prolongée n’est pas toujours son fort! L’institutrice veut bien encore faire l’effort de le garder jusqu’à la fin de l’année, mais à la condition qu’il se fasse prescrire de la Rilatine par notre médecin de famille. Il paraît que ce médicament améliore les facultés de concentration. Est-ce une bonne chose de le mettre sous médicament? L’hyperkinésie serait-elle une maladie?»

Voilà des parents bien déstabilisés! Ce petit, dès son plus jeune âge, se montrait si prometteur concernant l’apprentissage… Il a marché tôt, il a parlé tôt, tout baignait…

TDAH, mystérieuses initiales

TDAH signifie: trouble déficitaire de l’attention avec hyperactivité. L’hyperactivité motrice fait état d’enfants en perpétuel mouvement, incapables de mettre en place une action globale organisée, constructive et coordonnée.

L’enfant hyperkinétique serait donc un enfant qui n’arrive pas à contrôler ses mouvements. C’est plus fort que lui: dès qu’il est à un endroit, quelque chose le pousse à se mettre ailleurs. Incapable de rester en place, il a sans cesse besoin de bouger et ne peut s’adonner longtemps à une activité. C’est très fatigant et énervant pour l’entourage de vivre avec pareille tornade! Et ce n’est guère agréable pour l’enfant de ne trouver à aucun moment un lieu où se détendre, se poser et se reposer…

Le diagnostic «hyperkinétique» est très à la mode actuellement et malheureusement trop souvent donné à mauvais escient à des enfants turbulents, agités, mal cadrés ou développant une certaine angoisse. Si vous observez que votre enfant est capable de se concentrer quand une tâche ou un jeu lui plaît, vous pouvez déjà vous dire que la raison de sa bougeotte est à chercher ailleurs que dans un syndrome de TDAH!

Seule une observation fine et adéquate permet de différencier la présence d’un authentique trouble de l’attention d’un simple tempérament excessif, d’une attitude d’opposition avec provocation ou encore d’un signe d’angoisse ou de dépression.

Un enfant turbulent

Nombreux sont les enfants qui, présentant une symptomatologie hyperkinétique, réagissent à un facteur de stress présent à l’école ou dans la famille. Ou encore sont des enfants actifs au comportement normal mais mal toléré par l’environnement.

Les enfants ont-ils encore le droit d’être des enfants turbulents et casse-cou? Au lieu d’être lovés devant la télé ou accrochés à leur ordinateur, ont-ils des moments de détente physique? Ont-ils l’occasion de se défouler, de courir, de crier, de se rouler à terre ou d’escalader un arbre? Dans certaines écoles, pour éviter la violence lors des récréations, on propose aux enfants de regarder des films vidéo… Chemin faisant, la société favorise et valorise de plus en plus l’homme assis au détriment de l’homme debout! Il n’empêche qu’il y a une catégorie d’enfants actifs qui ont besoin de déployer une grande énergie; ils ont besoin de mouvement, de place, d’air frais et… d’un cadrage clair. Ayant du mal à rester assis toute une journée, de nos jours ces enfants n’ont pas bonne presse! Déjà stressés par une série d’autres facteurs, les adultes ont du mal à assumer ces enfants turbulents. Ces derniers en appellent à une éducation rigoureuse, cohérente et structurante, demandent à être confrontés à des limites claires et à des prises de positions nettes de la part des adultes. Tout cela dans un contexte stimulant leur autonomie et leur responsabilisation. C’est à ce prix qu’ils établissent des repères et trouvent en toute quiétude leur place dans la société. Dans le cas contraire, leur désarroi se manifeste souvent par un comportement impulsif et agité.

Ne pas trouver sa place? Pourquoi?

Nombreux aussi sont les enfants anxieux, trouvant mal leur place dans la famille ou dans leur peau, qui se voient coller l’étiquette d’hyperkinésique.

Alors, cet enfant constamment agité, qu’essaie-t-il de nous dire? De nous communiquer? S’il ne reste pas longtemps au même endroit, souvent… c’est qu’il cherche sa place. S’il se déplace sans cesse, c’est qu’il ne trouve pas sa place… Il se cherche, il cherche, sans relâche, avec une détermination inconsciente, infatigable, sa place? Ce lieu d’où il se sentirait reconnu, valable, utile, humanisé.

Il y a mille et une raison qui peuvent induire chez un enfant le sentiment «de ne pas avoir sa place». Quelque chose les agite à l’intérieur de leur psyché et le corps en est le porte-parole. Ils peuvent imaginer de ne pas être du bon sexe, de ne pas être arrivé au bon moment dans la vie des parents, de ne pas répondre à leur attente, d’être transparent à leurs yeux, etc.

Un enfant peut aussi être envahi par une question. La recherche de la réponse, déterminante pour la vision qu’il construit de lui-même, l’empêche de prêter attention à toute autre chose. La diversité de ces questions est illimitée: «Aurait-il mieux fait de ne pas naître? Est-il responsable du divorce de ses parents? Doit-il se sentir coupable de la fausse couche que sa mère a faite lorsqu’il avait deux ans?» Que sais-je encore!

Quid de la Rilatine?

Face à ces enfants qui dérangent la classe, certains enseignants demandent aux parents de faire prescrire à l’enfant de la Rilatine pour les rendre plus calmes. Savent-ils qu’il s’agit d’un médicament figurant sur la liste des stupéfiants? Ce psychostimulant agissant sur le cycle de la dopamine, à l’origine conçu contre les troubles de l’obésité, aurait chez les enfants un effet paradoxal.

Mais n’y a-t-il pas lieu de s’inquiéter que ce médicament, soudainement prôné comme une panacée, soit prescrit avec tant de facilité et de promptitude, alors qu’il s’agit d’une amphétamine qui est, comme on le sait, une drogue? Le rapport sur la Santé dans le monde insiste sur les points suivants: on ignore encore l’étiologie précise des troubles hyperkinétiques et, trop souvent, un diagnostic de trouble hyperkinétique est posé sans que les critères diagnostiques objectifs de cette affection ne soient réunis…

Avant de «doper» un enfant, n’y a-t-il pas intérêt à se questionner s’il n’y a pas d’autres mesures à mettre en place? Un soutien aux parents, une révision de certaines attentes irréalistes, une empathie concernant d’éventuels quiproquos dans la relation de l’enfant avec son entourage ou l’atténuation de certains conflits facilitent souvent les possibilités d’attention d’un enfant. En renforçant son estime de lui, souvent, peu à peu sa bougeotte diminue…

Ce texte a été publié par La Ligue des Familles de Belgique dans son édition Le Ligueur #22.

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