lundi 31 mars 2008

Autorité. Entretien Claude Halmos.doc

«L'autorité est une nécessité absolue pour l'enfant»,

par Claude Halmos

Perdus entre le désir d'être de «bons parents» et la nécessité d'imposer des règles, certains adultes ne savent plus comment résoudre l'équation de la bonne éducation. Dans «L'autorité expliquée aux parents», un livre d'entretiens très concret, la psychanalyste Claude Halmos démontre le bien-fondé de l'autorité et donne les clés pour la faire rimer avec amour et respect de l'enfant. Interview

«Il ne veut jamais aller se coucher», «C'est la guerre chaque fois que c'est l'heure de faire ses devoirs», «Il n'en fait qu'à sa tête»... Presque tous les parents connaissent ce désarroi. Ce déchirement entre l'envie d'être de «bons parents» et la nécessité d'imposer des règles, voire de punir le cas échéant.

C'est encore pire depuis que l'on a donné une si mauvaise image de l'autorité parentale, en la réduisant à une agression et à une prise de pouvoir arbitraire sur l'enfant. Or l'autorité n'est pas un choix, mais une nécessité pour la construction de l'enfant, tient à rétablir la psychanalyste spécialiste de l'enfance Claude Halmos. Dans «L'autorité expliquée aux parents», un livre d'entretiens menés par Hélène Mathieu, directrice de Psychologies Magazine, elle tente de remettre les pendules à l'heure, tout en rassurant les parents: oui, il est possible d'aimer avec autorité. C'est d'ailleurs la seule façon d'aimer adéquatement un enfant. Explications de Claude Halmos.

Face aux excès de l'enfant-roi, vous prônez un retour à l'autorité parentale. A-t-on été trop loin dans le laxisme?
On a abusé de ce terme d'enfant-roi, je ne crois pas qu'on ait été dans le laxisme, mais il y a eu un malentendu. Les parents ont peur de l'autorité parce qu'ils en ont une idée fausse, ils ont l'impression que ça ne pourrait être que ce qu'elle fut autrefois: cette volonté de soumettre les enfants à son pouvoir d'adulte. On a aussi mal lu Françoise Dolto. Si elle a prôné que l'enfant était un être à respecter, elle a aussi dit que cet être en construction avait besoin de l'autorité des adultes. Du coup, entre l'autorité qui fait peur et l'idée qu'il faut respecter l'enfant, les parents sont perdus.

Les parents ont souvent peur d'être de «mauvais parents», «injustes» ou «trop sévères». Comment les déculpabiliser?
Il ne s'agit pas de les déculpabiliser, il s'agit de leur dire que l'autorité n'est pas un choix idéologique, mais une nécessité absolument pour la construction de l'enfant. L'enfant, au début de sa vie, est un petit sauvage qui fait que ce qu'il a envie de faire, et c'est normal. Pour qu'il devienne un être capable de vivre avec les autres, il est nécessaire de changer ce fonctionnement initial.

Souvent les parents cèdent par gain de paix. Pourquoi est-ce que les enfants n'obéissent-ils pas tout de suite?
Parce qu'ils n'en voient pas l'intérêt. L'enfant ne comprend pas pourquoi il devrait changer un comportement qui lui procure du plaisir. «Le petit camion du petit copain est très beau; ce camion j'ai envie de l'avoir, donc je le prends et je fais tomber le petit copain pour qu'il ne puisse pas me courir après.» Pour l'enfant, c'est logique. D'où la nécessité de lui expliquer clairement pourquoi il ne peut pas continuer ce fonctionnement-là.

Certains parents vivent le fait de punir comme un échec. Vous dites que le conflit est inévitable?
Il est inévitable dans un premier temps, tant que l'enfant n'a pas compris l'utilité de la règle, et que c'est comme ça pour tout le monde. Que son papa ne peut pas non plus aller piquer la voiture du voisin, sinon il finit en prison. Ensuite, l'enfant voit aussi rapidement son intérêt. Un enfant qui se conduit normalement au square a des copains pour jouer avec lui. Un enfant qui agit comme une terreur est mis à l'écart par les autres. Il est le roi du monde, mais il est tout seul. Et ça, l'enfant le comprend assez vite.

L'autorité parentale a-t-elle des limites?
Les limites de l'autorité parentale sont par rapport à ce qui est demandé. On n'est jamais injuste quand on demande ce que n'importe quel parent demanderait dans la même situation. Demander à un enfant de mettre un imperméable parce qu'il pleut, c'est absolument normal. Lui imposer de mettre des imperméables vert pomme parce qu'on adore cette couleur, c'est de l'injustice. La limite est là.

Qu'en est-il de la négociation?
On peut négocier sur l'heure de rentrée d'un adolescent, ou accepter que l'enfant finisse un jeu avant de faire ses devoirs. Ça, c'est des aménagements. Par contre, sur les interdits essentiels, on ne négocie pas. Y a pas un flic au feu rouge qui va vous demander si vous seriez éventuellement d'accord pour vous arrêter! La vie ne serait pas possible ainsi. Et il faut aussi se rappeler que c'est toujours au travers de petites choses que se joue la transgression des grands interdits. Un enfant qui ne veut pas aller se coucher est un enfant qui n'a pas compris qu'il n'a pas sa place dans le couple d'amoureux que forment ses parents.

Y a-t-il des bonnes et des mauvaises punitions?
La punition, c'est à chaque parent de l'inventer, en fonction de l'enfant, de son âge, de ce qui vient de se passer. Elle est indispensable pour que l'enfant comprenne l'interdit. S'il le transgresse une première fois, un rappel à l'ordre peut suffire. En revanche, s'il persiste, la sanction est indispensable. Elle ne doit toutefois pas être humiliante, et rester proportionnelle à la faute.

La fessée et la gifle ont-elles toujours leur place dans la relation parents-enfants?
On ne peut pas poser les choses ainsi. La fessée ou la claque en soi n'existe pas, c'est toujours un geste particulier dans un contexte particulier. On ne peut pas dire que c'est une méthode d'éducation parce que ce n'en est pas une: ce n'est pas une punition banale. Mais on ne peut pas non plus la diaboliser en décrétant qu'un parent qui a donné une fessée, alors qu'il n'en donne pas d'habitude et que l'enfant a vraiment été trop loin, est un parent maltraitant. Il faut aussi laisser la place au bon sens.

Anne-Sylvie Sprenger - 01/03/2008
Le Matin Dimanche

mardi 4 mars 2008

La maison, espace intérieur

La maison, notre espace intérieur

Alberto Eiguer

Que révèle de nous le choix d’une maison, notre façon de nous l’approprier, de l’aménager, de la décorer ? Pourquoi appréhende-t-on de déménager ? Comment gère-t-on héritage ou perte de son logis ? Comment habite-t-on ensemble, et pourquoi ? Sous un même toit se développent les enjeux fondamentaux qui nous lient les uns aux autres. La maison est une enveloppe mais aussi un lieu de sédimentation : l’intimité qui s’y déploie dit beaucoup des liens que l’on tisse ou que l’on détisse avec son entourage. Dans L’Inconscient de la maison (Dunod, 2004), Alberto Eiguer, psychiatre et psychanalyste, président de la Société française de thérapie familiale psychanalytique, enseignant à l’Institut de psychologie de l’université de Paris-V, revient sur la nature de ces liens et dévoile un concept qui habite chacun de nous : l’habitat intérieur.

Au-delà de la concrétisation de nos envies et de nos besoins les plus conscients, notre façon d’appréhender et d’habiter notre maison révèle-t-elle des projections inconscientes ?
Il y a à la fois une problématique de projection – ce que nous projetons de conscient et d’inconscient sur notre maison – et une autre de « déplacement ». L’idée que je développe dans mon livre est que le rapport extrêmement puissant que nous déployons à l’égard de notre maison est du même registre que celui qui unit le nourrisson à sa mère. Ce « déplacement » de la mère vers la maison a donc une part psychologique mais relève aussi de quelque chose de physique. Nous nous lovons, nous entrons contact peau à peau avec elle : on peut même parler de « sensorialité » commune. Mais notre maison révèle aussi nos propres projections inconscientes, dans le sens où nous y déposons notre espoir, notre mémoire, nos émotions les plus profondes, nos projets de vie – avec la famille et avec notre progéniture à qui nous voulons transmettre l’héritage de notre propre vie – mais aussi notre savoir, notre histoire, etc. Ce rapport très intime avec notre maison est l’expression de la dimension familiale qui nous habite : nous avec les autres membres de la famille d’abord, puis nous et les autres. Mes recherches et mon expérience clinique m’ont par ailleurs permis de constater que la relation que l’on entretient avec son habitat se rapproche de celle que l’on a avec son corps. Nous projetons l’image de notre propre unité corporelle sur notre habitat : que nous l’aimions ou la détestions, cette unité relève de la représentation que l’on se fait de notre corps, de nos formes, d’une partie de notre organisme, de nos mouvements… Et dans la mesure même où l’image que nous avons de notre corps s’est construite dans la relation de corps à corps que nous avons eue avec notre mère puis avec les autres membres de la famille et même les amis, cela entre en jeu dans notre relation avec notre maison. Nous projetons donc sur notre maison la notion de « contenant de quelque chose », qui doit être à la fois ouvert et fermé. Derrière la seule fonction décorative, qu’investit-on à travers l’aménagement et l’ameublement de sa maison ?
Outre la question de la fonctionnalité bien évidente et la question corporelle dont nous avons parlée, nous investissons dans notre intérieur nos ambitions, et, à travers les objets et les œuvres que nous présentons, nous témoignons de nos idéaux de vie, mais aussi du rang social auquel nous souhaitons appartenir. Nous projetons évidemment sur les objets une fonction esthétique qui révèle, en quelque sorte, que nous sommes tous des artistes. Mes recherches m’ont conduit à découvrir qu’à travers les objets que nous disposons et l’aménagement que nous réalisons se dégage une fonction très pratique : celle des gestes et des mouvements. Les objets ont beau paraître statiques, dans notre inconscient, nous leur infléchissons un mouvement : à tel ou tel objet nous donnons une signification particulière qui n’appartient qu’à nous et qui dépasse son utilité première. Tel ou tel endroit peut nous paraître propice à la rêverie, au laisser-aller, au bien-être… Cette impression qui n’appartient qu’à nous peut ensuite affecter les autres membres de la famille. J’ai aussi découvert, à mesure que mon travail avançait, que nous développons avec les objets de notre maison la même relation que celle que l’enfant a avec ses jouets : il les modèle, leur attribue des vertus ou des fonctions. Ces jouets définissent finalement le rapport qu’il entretient avec les autres enfants. La notion de jeu est une fonction créative, fantasmatique et très émotionnelle qui habite notre maison. Habite-t-on une maison de la même manière selon qu’on la loue, qu’on l’achète ou qu’on en hérite ?
Les modalités qui définissent notre présence dans un habitat ont leur importance, mais notre façon d’habiter une maison dépend surtout de l’investissement affectif et inconscient que nous entretenons avec elle. La relation que nous avons avec notre maison est de toute façon une relation d’appropriation et d’éternité : nous y sommes comme si nous allions y rester tout le temps ; comme si nous n’allions jamais mourir. La question de l’héritage est toutefois particulière, car elle engage des conséquences familiales aux résonances fortes : elle dépasse le strict cadre juridique et administratif ; elle traduit en fait l’état des relations que nous avons entretenues avec les personnes qui nous ont légué la maison et passe donc par un processus de deuil qui nous permettra ensuite de faire nôtre ce lieu. Si la maison permet l’intimité de groupe vis-à-vis du regard étranger, qu’en est-il, à l’intérieur de la maison, de l’intimité de chacun vis-à-vis des autres ?
Le point essentiel est de savoir conserver son espace d’intimité à soi ce qui, dans toute vie de groupe, n’a rien d’évident. La qualité de l’intimité – la sienne mais aussi celle du groupe – et de la proximité entre les uns et les autres dépend donc de la qualité du lien que l’on développe avec chacun des membres. Beaucoup de problèmes se posent d’ailleurs dans les familles parce que ce point n’est pas respecté. Le lien de filiation conditionne, pour une bonne part, la façon qu’ont les familles d’habiter leur intérieur. Mais qu’en est-il des autres – les familles recomposées, adoptantes ou homoparentales ?
L’idée très forte que je développe dans cet ouvrage est que la vie en commun permet de recréer du lien et donc de faciliter les rapports autant entre parents et enfants au sein d’une même famille biologique que dans les familles adoptantes, homoparentales ou recomposées. Les groupes qui vivent sous un même toit, quelle que soit la nature de leur relation, pratiqueront finalement les jeux inconscients dont nous parlions auparavant, des jeux qui leur permettront de construire et de faciliter leur vie. Dès lors, le lien qu’ils établissent et que j’appelle « lien de cohabitation » sert à stimuler le tissage ou le retissage du lien de filiation que l’on retrouve dans les familles biologiques. Tout ce qui circule dans le quotidien, et notamment à travers les tâches communes et ce qu’elles révèlent de nos affects, de ce que l’on montre de soi, de ce que l’on regarde chez l’autre, participe de la construction de la communauté. Trop de personnes se montrent impatientes et pensent que cela se donne d’emblée : or tisser des liens, cela s’apprend, même au sein des familles biologiques. Qu’implique la perte du « chez soi » ?
Elle s’avère catastrophique. Ne plus avoir de chez soi implique la déstructuration, la régression. C’est une des questions extrêmement difficiles de notre vie moderne. La déstructuration fonde la psychose. On peut toutefois remarquer que ceux qui perdent leur habitat mettent en place des stratégies visant à reconstruire un nouveau « chez soi » : ce peut être dans un squat ou un foyer, du moment que cela permet de prolonger les contacts et donc les liens. Même ceux qui font de l’absence de chez soi un style de vie cherchent à prolonger par des réseaux et des relations la permanence du lien. À l’image de la famille, du groupe, du couple ou de l’individu qui l’habite, la maison est-elle un lieu d’évolution ou de transformation ?
Les deux sont possibles. Mais ceux pour qui la maison ne sera qu’un lieu d’évolution n’embrasseront sans doute qu’une partie de la réalité : le lieu ne sera alors investi que de manière incomplète, comme celui qui permet de vivre et qui apporte un certain confort, certes, mais où ils ne déposeront probablement rien. Ces personnes considèrent leur habitat comme un lieu de transit, sans doute à l’image du manque d’importance qu’ils donnent à leurs relations. D’autres savent tirer un parti beaucoup plus important de leur habitat et l’utilisent pour mûrir, pour se développer et améliorer leurs relations avec les autres. Dans la mesure où la maison est à l’évidence un espace de jeu et de mouvement, elle suscite la transformation. Je pense surtout que le lien de cohabitation dont nous avons parlé tend à la transformation des êtres et des choses. Cet ouvrage repose en grande partie sur vos propres observations cliniques de thérapeute. Le traitement d’un sujet aussi intime pour chacun vous a-t-il conduit à formuler des souhaits à l’adresse du lecteur ?
Ce que je souhaite au lecteur, c’est d’apprendre à soigner sa maison tout en se soignant lui-même à l’intérieur de ses murs. C’est d’avoir conscience que rien n’est dû au hasard : beaucoup d’affects et de problèmes relatifs à notre mémoire et à notre histoire se déposent sur la maison. C’est de ne pas brutaliser ni son habitat, ni lui-même. Je souhaite enfin ceci : qu’il achète, qu’il vende ou qu’il jette, qu’il agrandisse son espace ou l’embellisse, chacun doit s’interroger sur la nature et la conséquence de ses gestes à l’égard de son espace intérieur, car il y va de son inconscient et de ce qu’il y a de plus précieux en lui. Il faut apprendre à être patient.

© DUNOD EDITEUR, 10 Mai 2004

L'énurésie ou le pipi au lit


L'émission d'urine involontaire et inconsciente se produit le plus souvent pendant le sommeil.

C'est un trouble fréquent mais qui peut être source de bien des désagréments pour l'enfant qui en souffre ainsi que pour son entourage.

On parlera d'énurésie lorsque la miction active complète survient le plus souvent pendant le sommeil à un âge ou le contrôle sphinctérien est généralement acquis. Elle se définit par le fait que l'enfant mouille son lit au moins trois nuits par semaine après l'âge de 5 ans. Ce trouble est plus fréquent chez le garçon que chez la fille. Sa fréquence est de 4 à 8 % des enfants âgés de 7 à 8 ans.

Les spécialistes distinguent l'énurésie primaire lorsque le contrôle n'a jamais été acquis et l'énurésie secondaire qui survient après un intervalle plus ou moins long de propreté complète.

Il existe parfois des signes associés comme l'encoprésie (émission incontrôlée de selles) ou d'autres perturbations globales et profondes de la personnalité.

Après avoir éliminé toute pathologie urologique, ou endocrinienne, il est nécessaire d'étudier avec l'aide de la famille les caractéristiques de l'énurésie, du sommeil et les facteurs psychiques.

On doit tenter de comprendre le retentissement du symptôme dans la famille, les conséquences éventuelles de sa disparition et la personnalité de l'enfant.

Certains enfants sont opposants et exercent des pressions sur l'entourage : l'énurésie est un excellent moyen de s'approprier l'attention de tous. L'enfant peut trouver un bénéfice secondaire dans les réponses de l'entourage : relation privilégiée avec la maman, protection par rapport au monde extérieur. L'enfant énurétique peut voir sa vie sociale se rétrécir : les nuits à l'extérieur de la maison (visite chez les copains, classes transplantées) vont poser un vrai problème.

D'autres enfants sont émotifs ou immatures et présentent d'autres symptômes : anxiété, phobies, rituels.

Le retentissement peut être important pour la vie familiale et devenir la source de conflits : conflit de l'enfant avec la mère ou avec le père, voire conflit conjugal apparemment induit par le problème de l'enfant.

Le traitement de l'énurésie associe des mesures générales comme écarter les causes d'excitation, de fatigue, d'anxiété, favoriser un sommeil suffisant, s'intéresser au régime alimentaire et hydrique. Les médicaments peuvent également apporter une aide dans certains cas.

Il existe aussi des méthodes de réveil nocturne et d'éducation mictionnelle.

La psychothérapie psychanalytique permet l'élucidation des motivations inconscientes.

Dans les thérapies familiales les parents peuvent être associés à l'évolution de la situation.

Les thérapies comportementales vont faire participer l'enfant à un processus de guérison qui va s'inscrire dans un programme planifié.

Quelle que soit la méthode proposée ou choisie, les parents doivent avoir une attitude positive à l'égard de l'enfant qui souffre lui aussi. Ils doivent compter avec le facteur temps qui joue en faveur de la disparition du symptôme.


Sources : "Le dictionnaire de psychiatrie et de psychopathologie clinique", éditions Larousse.

http://pagesperso-orange.fr/genevieve.cavaye/enuresie.htm

Gaucher ou Droitier

Est-il gaucher ou droitier ?

Les individus ne se répartissent pas en deux catégories, les droitiers et les gauchers, mais en quatre.

Les droitiers homogènes se servent préférentiellement et plus habilement de leur main droite pour saisir, de leur pied droit pour taper dans un ballon, de leur œil droit pour regarder (environ 50 °/o de la population).
Les gauchers homogènes utilisent le côté gauche pour tout faire (environ 5 °/o de la population). Lorsqu'un enfant est gaucher (ou droitier) franc, vous pouvez vous en apercevoir dès l'âge de 5 mois. Il n'aura généralement aucune difficulté à parler, à lire ou à écrire, pourvu que vous le laissiez se débrouiller avec son côté habile. On explique la latéralisation par la dominance de l'hémisphère gauche chez les droitiers, et inversement. Il est très troublant de voir comment un gaucher copie en général le mot papa la première fois : exactement comme si on lisait le mot dans un miroir. C'est dire qu'il perçoit son environnement à l'inverse du droitier.
Les droitiers ou gauchers partiels tendent la main droite, par exemple, mais regardent avec l'œil gauche, ou inversement.
Les ambidextres se servent indifféremment des deux côtés. Ces deux derniers types d'enfants, mal latéralisés, représentent 45 °/o des individus. Ce sont les plus difficiles à repérer. Il vous faudra attendre que votre petit ait 2 ans et demi pour savoir quelle main il utilise préférentiellement. Ce sont ces enfants, mal latéralisés, qui peuvent poser quelques problèmes : vous laissant longtemps dans l'incertitude quant au côté qu'ils préfèrent, ils peuvent encore changer de dominance jusqu'à 6 ans. Avec eux, les parents doivent être observateurs, de façon à encourager leurs capacités sans contrarier leurs tendances naturelles.

Comment savoir si votre enfant est gaucher ?

Ce n'est pas la fréquence avec laquelle l'enfant se sert plus volontiers de la main gauche qui est probante, mais l'utilisation de cette main pour les mouvements fins et précis : attraper une miette, tourner les pages d'un livre, placer un cube sur un autre, placer un objet dans un trou, prendre des ciseaux. Si votre enfant préfère nettement la main gauche, observez aussi :
  • le pied avec lequel il tape dans une balle ;
  • l'oreille qu'il tend vers votre montre ;
  • l'œil qu'il met devant un carton troué pour vous regarder.
Vous saurez ainsi s'il est gaucher homogène ou seulement gaucher manuel.

La vie est un peu plus complexe pour les gauchers

car tout est conçu sur le plan pratique pour les droitiers : les ciseaux, le couvert dressé à table avec le couteau à droite, le sens d'ouverture des robinets, et surtout le sens de l'écriture, de gauche à droite, permettant au seul droitier de voir ce qu'il vient d'écrire. Mais rassurez-vous, le gaucher nettement et précocement latéralisé à gauche s'adapte très vite et peut devenir aussi adroit que le droitier, comme le prouvent des exemples célèbres, de Michel-Ange à Platini.

Le gaucher n'est ni un génie, ni un dyslexique

Pour éviter tout problème, il est cependant essentiel de bien repérer son côté préférentiel, en particulier pour le graphisme, afin de ne pas contrarier sa main la plus habile au moment des dernières années de maternelle. N'essayez pas de le faire changer de main, vous le rendriez maladroit et le perturberiez dans toutes ses acquisitions.

Quelle main faut-il encourager chez les enfants ambidextres ?

Si là latéralisation de votre enfant ne vous paraît pas encore évidente, s'il se sert indifféremment de ses deux mains, ne faites rien pendant ses trois premières années pour orienter ses gestes avec la main droite. Accompagnez-le dans ses progrès naturels, ne le contrariez pas. Au cours de sa sixième année, un bilan précis fait par un orthophoniste permettra d'analyser finement l'habileté de chaque main et de savoir, en particulier, avec laquelle on doit lui apprendre à écrire.

http://blog.gardes-enfants.com

Comment l'enfant apprend à parler ?

Comment l'enfant apprend à parler ?

Qu'est-ce-que communiquer ?

Communiquer et parler sont deux actions différentes. La communication chez le bébé est première par rapport à la parole. Le bébé adopte plusieurs canaux de communication. Par des mimiques, des gestes, il arrive à se faire comprendre de son entourage. Bientôt, il s'exerce à prononcer des sons plus ou moins proches de mots du langage commun. En les associant sommairement, il réussit à expliciter ce qu'il souhaite obtenir de ses proches. Dans ces prémices de la parole, le corps tout entier est engagé. Car la parole fait partie du domaine du corps. Les expressions faciales vont exprimer tout le registre des émotions. Le déplacement dans l'espace est aussi en jeu. La distance sociale, c'est-à -dire, l'éloignement de celui qui émet son message par rapport à celui qui le reçoit est une convention sociale qui varie selon les civilisations. Par exemple, très proche chez les maghrébins, elle est beaucoup plus distante chez les japonais.


Donc le bébé apprend d'abord à communiquer avant d'apprendre à parler. Les parents ont un rôle important dans cet apprentissage. Les enfants ont déjà un comportement de communication différent selon leurs origines sociales, leur appartenance ethnique. Car la communication renvoie au corps mais aussi à la représentation de l'autre, à la notion d'espace et de temps, qui sont les fondements de la culture. C'est en cela que l'on peut dire que communiquer ce n'est pas tant gérer de l'information mais des stratégies. Comprendre, c'est mettre en relation des éléments d'information, on est ici dans le domaine du psycho-social L'entrée dans le langage est soutenue par deux questions constitutives de l'être humain :

- Qui suis-je pour lui parler ainsi ?

- Qui est-il pour me parler ainsi ?

Cette compétence à communiquer s'apprend d'abord dans la famille et le cercle élargi de l'environnement familial puis à l'école. On ne saurait trop insister sur l'importance pour les parents d'établir avec le bébé un mode de communication qui privilégie une relation d'explicitation du monde encourageant la découverte du monde alors qu'une relation d'autorité freine les appétits intellectuels.

Dès son entrée à l'école maternelle, le tout-petit va découvrir que ce mode de communication sommaire qui fonctionnait avec ses parents a ses limites. Il va expérimenter en échangeant avec son enseignante et ses camarades les bienfaits d'adopter un langage commun.

Qu'est-ce--que le langage ?

Parler, c'est agir. Quand les hommes parlent ils transmettent de l'information pour interagir. Ils font des actes. Parler, c'est prioritairement gérer des stratégies car les êtres humains utilisent le langage pour vivre ensemble.

Pour le jeune enfant, savoir communiquer, c'est gérer des actes de langage, d'où l'intérêt de varier les situations de communications dès le plus jeune âge. Le jeu avec d'autres enfants ou celui régulé par les adultes est une porte d'entrée efficace dans l'acquisition du langage. Peu à peu, le jeune enfant va accéder à des codes de communication de plus en plus élaborés. Au fur et à mesure que l'enfant grandit, les parents doivent encourager l'enfant à délaisser le jargon de la toute petite enfance dont l'efficacité se limite au cercle étroit des relations familiales au profit de l'acquisition du langage commun à une culture qui lui permettra de se confronter à des situations plus variées et à des expériences nouvelles.

Comment l'enfant accède-t-il au langage ?

Pour apprendre à parler, le bébé a besoin des autres êtres humains. L'enfant sauvage ne parle pas. On comprend, bien sûr, le rôle majeur des parents, surtout de la mère, au cours des débuts de l'acquisition du langage.. Il existe une période limitée dans le développement de l'enfant pendant laquelle le cerveau a cette capacité à acquérir les structures langagières, et c'est à ce moment que l'environnement doit apporter l'information utile. Si les animaux communiquent entre eux par des sons divers, le langage humain se différencie par l'organisation des mots entre eux. On peut dire que le langage humain a une structure économique puisque malgré la diversité des mots dont il est constitué il utilise pourtant peu de sons. Avec peu de sons et beaucoup de mots on peut constituer des phrases à l'infini.

Dans cette acquisition du langage, le rôle des parents est capital car il faut aider l'enfant à structurer le monde. Vers sept ou huit mois, l'enfant va diriger son regard là où regarde sa mère, il faut qu'il nomme avec la mère les objets de l'environnement. D'où la nécessité de coagir avec l'enfant pour qu'il structure l'apprentissage. L'enfant a besoin de l'adulte pour qu'il lui donne les valeurs culturelles, car le monde est perçu à travers une culture. Très vite, il va développer une capacité énorme à mémoriser. L'enfant au début comprend beaucoup plus qu'il ne produit c'est pourquoi l'adulte doit petit à petit abandonner le "parler-bébé" qui caractérise les premiers balbutiements..

Presque simultanément avec cette découverte du langage oral, il ne faut pas hésiter à mettre l'enfant en contact avec le langage écrit qui est le fondement de notre civilisation. Présenter des livres aux tout-petits, les lui lire, va l'aider à comprendre le monde et le rêver. Par ces lectures que lui fait l'adulte, il va enrichir son vocabulaire, car le monde de l'écrit et de l'oral sont en étroite interaction. II va ainsi accéder très bientôt au monde de l'écrit.


Sources :


Michel GRANDATY

"Culture écrite et inégalité scolaire", Bernard LAHIRE.

"Savoir faire, savoir dire" Jérôme BRUNER

"Pensée et langage", VIGOTSKY

Un tableau sur les grandes étapes de la construction du langage : http://www.dysphasie.ch/quand.shtml

Pour aller plus loin dans la compréhension du langage : http://www.linguistes.com/langue/intro.htm

Les troubles de l'écriture

Votre enfant peut rencontrer des difficultés dans l’apprentissage de l’écriture. Vous pouvez l’aider à la maison, mais si cela ne suffit pas, consultez un spécialiste. Les premiers pas de l’enfant dans le monde de l’écriture suscitent des réactions aussi diverses le unes des autres : tantôt les parents sourient, tantôt ils s’inquiètent…

Si au début il a tendance à former systématiquement ses lettres dans le mauvais sens ou qu’il a du mal à enchaîner les lettres les unes aux autres, ne vous affolez pas. Vous n’êtes pas au bout de vos surprises !
Au début, certains enfants ont même du mal à respecter les lignes du cahier, confondent les
« m » et les « n », les « b » et les « d ».
Pas de panique ! L’apprentissage de l’écriture est long et difficile et peu d’enfants ne rencontrent aucun de ces problèmes.
Ces premières difficultés n’augurent en rien des capacités futures de votre enfant.

Les lettres en miroir
Certains enfants écrivent parfois lettres et chiffres complètement à l’envers.
Ce problème fréquent est lié à un problème de représentation dans l’espace et est le plus souvent passager.
Les lettres en miroir
L’écriture en miroir est un problème courant chez l’enfant qui apprend à écrire.
Il a souvent tendance à tracer certaines lettres complètement à l’envers et qui ressemblent exactement à l’image que renverrait un miroir. L’enfant n’écrit pas des phrases entières en miroir, mais le plus souvent une lettre sur deux, parfois moins.
Très souvent, il écrira aussi les chiffres de cette manière.
Ne vous alarmez pas trop tôt. De nombreux enfants passent par ce stade. Presque tous écrivent à un moment le « 3 » le « R » ou le « b » à l’envers.
A quoi cela est-il dû ?
A cet âge là, l’enfant peut encore avoir des problèmes d’organisation dans l’espace et dans le temps. Pour écrire convenablement, il doit avoir intégré le fait que les lettres s’enchaînent et se placent les unes derrière les autres
Comment faire ?
- Évitez tout d’abord de le gronder. Vous risqueriez de l’alarmer et lorsqu’il se mettra à écrire, il aura tendance à faire une fixation sur ce type de problème.
- Montrez-lui plutôt comment faire en lui demandant de repasser, à l’aide d’un stylo feutre, par-dessus les lettres et les chiffres que vous lui aurez écrits.
- Surtout, ne lui infligez pas des pages d’écriture car il risque de le prendre comme une punition.
- Si en milieu d’année, votre enfant présente encore ces troubles vous pouvez l’emmener chez un psychomotricien qui lui apprendra à bien se repérer dans l’espace par des exercices simples tels que lui faire différencier sa gauche de sa droite, le haut du bas… Ces notions sont très importantes car c’est seulement lorsqu’il saura se repérer dans l’espace, qu’il parviendra à s’organiser sur sa feuille.


Les lettres tracées dans le mauvais sens
Pour écrire avec aisance, l’enfant doit respecter certaines règles dans le tracé de ses lettres. Nombreux sont les enfants qui les tracent à l’envers. Ce petit défaut doit être vite corrigé pour que votre enfant écrive, plus tard, à un rythme régulier.
En apprenant à écrire, votre enfant découvre aussi que le tracé des lettres a un sens.
Les lettres à base de boucle se forment dans le sens inverse des aiguilles d’une montre, donc de gauche à droite, et les traits verticaux de haut en bas.
A priori, votre enfant s’est préparé à bien effectuer ce geste dès la maternelle en réalisant ses premiers ponts, boucles ou bâtons… Pourtant, pour certains, ce n’est pas une évidence et continuent à former leurs lettres dans le mauvais sens.
A quoi cela est-il dû ?
Ici encore c’est un problème de repérage dans le temps et l’espace.
S’il n’a pas la notion de droite-gauche et de haut et bas, l’enfant peut tout à fait écrire ses lettre à l’inverse de la procédure normale sans que l’on s’en rende réellement compte en regardant sa copie.
Ce n’est qu’en l’observant dans sa manière de faire que l’on peut détecter ce genre de problème.
Comment faire ?
- Il n’est pas nécessaire d’aller consulter un spécialiste tout de suite, mais il tout de même important de rééduquer votre enfant assez rapidement car s’il garde ces mauvaises habitudes, il risque de mettre plus de temps à écrire que ses petits camarades.
- Exercez-le à écrire les lettres dans le bon sens en lui proposant des activités ludiques : faites-lui tracer des ronds et des bâtons en lui faisant travailler l’attache entre deux lettres. C’est un exercice difficile : l’attache entre le « b » et le « e », par exemple, est particulièrement compliquée mais c’est une étape importante dans la maîtrise de l’écriture.

LA DYSLEXIE , ça me cripse comme un machte de bosc.

LA DYSLEXIE , ça me cripse comme un machte de bosc.

La simple pensée des travaux scolaires, la simple entrée dans la classe ou la simple vue d’un livre ou d’une lecture à faire, peut provoquer le rejet, la fuite ou l’inhibition chez certains enfants. On dit de lui qu’il "n’aime pas l’école", "il n’aime pas lire". Il dit de lui qu’il "est nul", sous entendu "je suis bête car je ne comprends rien à l’école, je n’arrive pas à suivre". Les devoirs sont un véritable supplice pour les parents et une corvée pour les enfants qui ne se plient que sous la contrainte. Que se passe t-il ?

Suite à un bilan orthophonique ou psychologique, l’enfant est alors repéré comme "dylexique". Voilà un enfant pour lequel on vous demande de vous organiser pour des séances de rééducation deux à trois fois par semaine afin de remettre l’enfant dans le circuit scolaire. Mais est-ce obligatoire ? C’est un diagnostic qui fait souvent peur aux parents : quelle est la définition exacte de la dyslexie ? Quelles en sont les causes ? Quelles en sont les conséquences ? Quelles en sera l’évolution pour l’enfant ?

QU’EST CE QUE LA DYSLEXIE ?

Selon les auteurs, la dyslexie touche entre 8 et 10 % des enfants normalement scolarisés (3 à 4 garçons pour une fille). La dyslexie se caractérise par une difficulté à acquérir la lecture à l’âge habituel en dehors de toute débilité ou déficience sensorielle. Suite à l’apparition de la dyslexie s’associe des difficultés d’orthographe d’où le nom de dyslexie-dysorthographie qui est alors un ensemble de difficultés durables ( et non pas un simple retard d'acquisitions) d'apprentissage fondamentaux de la lecture et/ou de l'orthographe chez un enfant (ou un adulte). Il ne faut donc pas confondre dyslexie et échec scolaire. Tous les enfants ayant des difficultés à l'école primaire ne sont pas dyslexiques, et vice versa, un enfant peut être dyslexique sans pour cela être en échec prolongé ( en particulier si la dyslexie est légère et si elle peut être compensée par le développement d'autres aptitudes intactes).

APPRENDRE A LIRE ET A ECRIRE .

Cet apprentissage passe par trois étapes durant lesquelles les deux mécanismes, lecture et écriture, se renforcent mutuellement par des relations réciproques.

- La première étape dite "logographique"
Si un enfant de trois ans paraît reconnaître un mot, à l'étonnement de ses parents, ce n'est pas parce qu'il a ''lu'', au sens habituel, mais simplement qu'il en a reconnu la forme générale sur des indices extérieurs : la forme des lettres, leur couleur, l'aspect général du mot. A ce stade, l'enfant ne sait évidemment pas lire, mais est capable de reconnaître parfois un nombre conséquent de mots, et ce uniquement à l'aide de quelques indices visuels. C'est cette capacité qui est utilisée lors des premiers mois de l'apprentissage scolaire de la lecture pour les enseignants qui appliquent la méthode globale ou semi-globale. On donne à l'enfant l'illusion de lire en lui apprenant à reconnaître globalement certains mots. Mais jusque là, il n'y a pas de lecture proprement dite puisque l'enfant n'utilise pas encore la correspondance entre les lettres et les sons.

- Une deuxième étape dite "alphabétique" :
Paradoxalement, à ce stade, c'est l'écriture qui va permettre de développer les capacités de lecture : au cours du CP, l'enfant va, avec l'aide de l'écriture, développer un système fondamental qui est la base de la lecture et qui consiste à automatiser les liens entre la forme visuelle ( des lettres, des groupes de lettres, des syllabes) et leur correspondant sonore. Ce système, d'abord utilisé pour donner un nom ( donc un son) à chaque lettre, va rapidement être capable de transformer des groupes de lettres en des suites de sons.

- Une troisième étape dite "orthographique" :
Elle correspond au moment où l'enfant devient apte à reconnaître un mot comme une entité, grâce à la formation progressive de ce que l'on appelle un lexique orthographique. Le fonctionnement de ce lexique est encore incomplètement connu, mais il semble se faire à la manière d'un dictionnaire auquel on se référerait pour chaque mot à lire, selon une procédure de type photographique, permettant une identification rapide ( d'autant plus rapide que le mot est plus familier) puis un accès immédiat au sens.
C'est cette procédure orthographique ( je photographie, je reconnais, je comprends) qui se développerait ensuite pour devenir de plus en plus efficace au fur et à mesure que la lecture devient de plus en plus compétente. Au bout du compte, le lecteur adulte n'utiliserait pratiquement plus que la procédure photographique, ce qui est évidemment beaucoup plus rapide et économique que de passer par l'assemblages des formes sonores ( qui reste cependant nécessaire lorsqu'on doit lire, par exemple, des mots nouveaux, ou sans signification, ou encore des mots d'une langue étrangère).

L’ENFANT DYSLEXIQUE

La plupart des dyslexies/dysorthographies apparaissent dès le CP, moment du contact initial de l'enfant avec la lecture. Contrairement à une opinion erronée couramment répandue, il n'y a pas de ''fautes-types'' du dyslexique, comme l'inversion de lettres ou de syllabes : les erreurs des dyslexiques sont multiples, le plus souvent simultanées ( ''fautes'' que fait tout enfant qui apprend en CP/CE1, et qui sont inévitables au début) mais en plus elles persistent durant la scolarité.

Au niveau du déchiffrage :
* confusions auditives, visuelles ( a/an, s/ch, u/ou,...et toutes les sourdes-sonores p/b, t/d, k/g, f/v, ch/j, s/z) ( p/q, d/b),
* inversions-omissions ( or/ro, cri/cir, ..) ( bar/br, arbre/arbe,...),
* adjonctions-substitutions ( paquet/parquet, odeur/ordeur,...) ( chauffeur/faucheur),
* contaminations ( dorure/rorure,...palier/papier)
D'une manière générale, le déchiffrage d'un texte est lent, hésitant, saccadé ( débit syllabique), la ponctuation non respectée. Au niveau de la compréhension : Le dyslexique ne retire pas de sens, ou seulement partiellement, de ce qu'il a déchiffré. Il n'aime pas lire, et rejette souvent les matières ou activités qui font appel à l'écrit. En général, il y a conjonction de ces deux types de troubles.

Au niveau de la dysorthographie :
Les fautes constatées, qui elles aussi sont normales au début de l’apprentissage, sont semblables à celles qu’on observe en lecture :
- erreurs de reproduction de la forme sonore du langage (confusion, omissions, inversions) - erreurs d’orthographe d’usage
- erreurs grammaticales
- erreurs de mode et de temps
- erreurs de compréhension (erreurs de structuration).

La dyslexie est, littéralement, un DYSFONCTIONNEMENT DE LA LECTURE (comme la dysorthographie est un dysfonctionnement au niveau de l’orthographe). L’enfant dyslexique déchiffre lentement avec de nombreuses hésitations, confusions, inversions ... et ce, QUELQUE SOIT le matériel écrit proposé et le moment de la journée. Ces erreurs sont donc PERSISTANTES et, la compréhension qui en découle est également perturbée.

FACTEURS ASSOCIES

Le dyslexique souffre-t-il d'autres défauts d'apprentissage que la lecture et l'écriture? En fait, la spécificité du trouble du langage écrit est rarement absolue et divers autres domaines peuvent être touchés, en plus du langage écrit, sans pour cela altérer l'intelligence globale. -

Le langage oral

Beaucoup d'enfants dyslexiques ont aussi divers types de difficultés en expression orale : incoordination des organes phonateurs [ train==>krain,...], troubles d'articulation [mauvaise prononciation d'un son quelle que soit la place dans le mot...].
Ces différentes altérations possibles font que l'on considère volontiers la dyslexie comme une forme atténuée d'un autre type d'apprentissage ( plus grave et beaucoup plus rare [3% des enfants]), appelé dysphasie de développement (la majorité des enfants dysphasiques, après avoir récupéré leur langage oral deviennent ultérieurement dyslexiques).

- La mémoire :
Le dyslexique ne présente généralement pas, à proprement parler, de trouble de la mémoire. Il n'existe pas de difficulté particulière à rappeler les épisodes de la vie quotidienne ou à apprendre une liste d'images ou de mots. En revanche, certains dyslexiques présentent des troubles spécifiques de mémorisation de la forme visuelle des mots. On insiste surtout actuellement sur la fréquence de trouble d'une forme particulière de mémoire, appelée '' mémoire de travail verbale''. Il est ainsi très courant que les enfants dyslexiques aient une performance inférieure à la moyenne des enfants de leur âge pour les tâches comme rappeler immédiatement une liste de chiffres, présentés oralement ou par écrit. Ce trouble concernerait spécifiquement la capacité à garder pendant quelques secondes en mémoire une succession de sons du langage, ce qui contribue probablement au trouble de la conscience phonologique.

- Écriture et habileté manuelle :
Certains dyslexiques, mais seulement une minorité d'entre eux, présentent des troubles de la gestualité pouvant aller d'une simple maladresse manuelle jusqu'à un véritable handicap pour les gestes complexes, en particuliers bimanuels. Mais la manifestation la plus gênante de ce trouble reste celle du geste d'écriture. On voit souvent des dyslexiques ayant une mauvaise tenue du crayon, avec la main crispée et fléchie, des mouvements mettant en jeu l'ensemble du bras voire du tronc, ce qui rend beaucoup plus difficile l'acte d'écrire. Le résultat est souvent caractérisé par des gribouillis, des irrégularités entre les lettres, des difficultés à maintenir l'horizontalité : c'est ce que l'on dénomme une dysgraphie.

- Enfant hyperactifs :
une mode américaine dont on se méfie beaucoup... On a beaucoup insisté ces dernières années, surtout aux Etats Unis, sur la fréquence associée ou non à la dyslexie, de difficultés qu'éprouvent certains enfants en période d'apprentissage à maintenir leur attention sur une tâche ou un exercice, difficulté qui peut réaliser un véritable handicap et, chez le dyslexique, un obstacle à toute tentative de rééducation. Dans certains cas, ce trouble de l'attention a une répercussion motrice, l'enfant ne pouvant rester en place plus de quelques minutes et montrant dans toutes ses attitudes une agitation anormale : on parle de syndrome d'hyperactivité ( qui ne sera pas développé ici).

LES CAUSES DE LA DYSLEXIE

Il y a quelques années, on concevait la dyslexie comme une difficulté d'apprentissage en rapport avec un trouble particulier de l'intelligence et favorisé par un contexte psychologique et familial souvent considéré comme déterminant. On sait à présent qu'il n'en n'est rien...

- Depuis une quinzaine d'années, en effet, divers travaux de recherche ont permis de préciser les particularités de la structure cérébrale du dyslexique (cortex cérébral). Et contrairement à ce qu'on pourrait penser, dans la majorité des cas, les résultats de ces recherches tendent à montrer que le cerveau du dyslexique, loin de manquer de substance cérébrale, en particulier cette substance grise qui contient l'origine des neurones, en possède en excès, un excès considérable puisqu'il s'agit de plusieurs millions de neurones supplémentaires ! Les données disponibles sur le développement normal du cortex permettent de dater au milieu du 6° mois de gestation le mécanisme anormal ayant abouti à la production de neurones en excès et en position atypique.

- Les spécialistes de la microscopie cérébrale ayant analysé ces cerveaux de dyslexiques ont également découvert des anomalies cellulaires non plus au niveau de la surface corticale, mais dans la profondeur des hémisphères, au sein de noyaux qui servent de relais aux voies auditives et visuelles. Plus précisément, il existe une atrophie des grosses cellules de ces noyaux, dont on présume qu'elles servent à véhiculer un certain type d'informations sensorielles ayant trait à la perception globale et à la transmission rapide de l'information, tant auditive que visuelle. Ces anomalies magnocellulaires sont à rapprocher des anomalies de la perception des informations visuelles rapides et à faible contraste chez le dyslexique.

- Latéralisation du cerveau et dyslexie : quand la droite et la gauche ne se parlent plus ! Une des particularités les plus étonnantes du cerveau humain est d'être constitué de deux moitiés (hémisphères) reliées par un pont de substance blanche ( le corps calleux). Ces deux hémisphères, bien que morphologiquement très similaires, fonctionnent en fait de manière très différentes. Le gauche contient tous les centres et circuits spécialisés dans le langage, alors que le droit est pratiquement incapable de toute activité linguistique, mais contient la plupart des circuits permettant la perception spatiale, en particulier sur le mode visuel, du monde environnant.
Des travaux récents ont ainsi démontré deux différences fondamentales entre les cerveaux des sujets dyslexiques et non dyslexiques :
* une modification de l'asymétrie entre les parties droite et gauche de certaines zones de la surface cérébrale,
* une augmentation de la taille du corps calleux. Dans les deux cas, ces particularités correspondent à des millions de cellules nerveuses supplémentaires sur le cerveau du dyslexique par rapport au non dyslexique.

- Facteurs génétiques : parallèlement à ces considérations scientifiques, on constate que dans plus de 50% des cas, il existe dans la famille proche du dyslexique un ou plusieurs cas ayant des caractéristiques similaires, même si l'étiquette ''dyslexie'' ne leur a pas été nécessairement apposée. Par exemple, il est fréquent qu'un père découvre à l'occasion de la dyslexie de son fils qu'il a lui-même souffert durant son enfance du même type de trouble.
- Pédagogie : l'utilisation par les enseignants d'une méthode globale ou semi-globale d'apprentissage repose sur le postulat que le système d'assemblage est parfaitement fonctionnel, ce qui peut être vrai chez la majorité des enfants, mais pas pour les 10 % d'enfants qui souffrent de dyslexie. Chez eux, ce type de méthode peut donc s'avérer désastreuse, en particulier par le fait qu'elle risque de masquer le trouble et de retarder d'autant le début de la rééducation.

DEPISTAGE

Un dépistage est indispensable, aussi précoce que possible. Il est envisageable dès la maternelle pour recenser les signes prédictifs de risques de difficultés à survenir au moment du vrai ''contact'' avec les apprentissages du langage écrit ( au CP).
Les années suivantes sont elles aussi capitales à surveiller, pour éviter l'installation dans l'échec. Il est important que ce dépistage ne soit pas délégué uniquement à l'école. Il faut au contraire une association des vigilances des parents, de l'entourage, du médecin et des enseignants.
La dyslexie/dysorthographie est une des principales causes d'échec scolaire, puis professionnel, voire social.Tant qu'elle n'est pas reconnue, comprise et rééduquée, l'enfant ou l'adulte est en souffrance, et les attitudes de l'environnement familial, scolaire ou professionnel souvent inadaptées par ignorance.
Chez l'enfant se développe alors le dégoût pour l'écrit, et le désinvestissement progressif des matières demandant un effort de lecture. Le langage restera alors pauvre, le travail sera lent, on observera une fatigue et une difficulté à transcrire le contenu de la pensée, et à intégrer le discours des autres. A long terme pour la vie adulte, la dyslexie/dysorthographie incorrectement prise en charge est reconnue comme un lourd facteur d'inadaptation socioprofessionnelle.

PRISE EN CHARGE

Un diagnostic différentiel précis est indispensable, pour que les réponses thérapeutiques soient bien appropriées. Il faut rappeler que les types, les intensités, et contextes des dyslexies/dysorthographies sont très variés. Ceci conduit à des examens divers d'autant plus complets et pluridisciplinaires que les troubles sont complexes et sévères . En effet, pour les troubles graves, les examens doivent être à champ large et cumuler les domaines :
* médical,
* psychologique ( évaluation des contextes familiaux, affectifs, sociaux ; potentiel intellectuel, état/fonctionnement psychologique),
* orthophonique ( langagier),
* psychomoteur ( temporalité, spatialité),
* neuropsychologique ( état et articulation des fonctions cognitives essentielles au langage),
* scolaire ( niveau des acquisitions et des difficultés, fonctionnement cognitif, comportement,...).

Différentes prises en charge rééducatives devront alors être entreprises. Elles seront d'ordre langagier et neuro-cognitif pour le versant intrinsèquement langagier et d'ordre psychologique ou psychothérapeutique si nécessaire en fonction des dégâts constatés sur la personnalité et la motivation.
Leur nature, leur pluridisciplinarité, et leur fréquence dépendra là aussi de la nature et de l'intensité du trouble. L'orthophonie étant pratiquement toujours impliquée lorsqu'il s'agit de troubles spécifiques au langage.
Parallèlement, une adaptation pédagogique devrait pouvoir être aménagée en classe, pour ajuster les exigences aux progressions scolaires possibles en lien avec les rééducations et il sera primordial de conserver absolument des espaces scolaires de valorisation. Il faut absolument s'unir pour soutenir le combat contre les problèmes de langage écrit, qui sont toujours complexes...

QUEL PRONOSTIC ?

L'évolution des troubles du langage écrit va dépendre de plusieurs facteurs, qui peuvent varier suivant les enfants concernés en rapport avec :
* le type de dyslexie/dysorthographie : certains sont plus ou moins faciles à traiter,
* l'intensité des troubles : les troubles sévères sont évidemment plus résistants aux rééducations,
* la précocité du dépistage,
* l'existence, la régularité et l'intensité des rééducations qui peuvent durer plusieurs années pour les cas les plus sévères,
* les soutiens rencontrés venant alimenter la motivation, la réparation des vécus d'échec,
* la vigilance, la coopération et la coordination entre famille, école et rééducateurs. Dans de bonnes conditions de traitement, d'environnement et de soutien, les troubles dyslexiques, dysorthographiques se réduisent, souvent très nettement, mais ne ''disparaissent'' vraiment complètement que s'ils étaient d'intensité légère. Les cas moyens et sévères vont souvent gagner des performances bien améliorées et moins handicapantes autorisant le plus souvent études et formations. Mais ils laisseront souvent une faiblesse par rapport à l'écrit.

C'est pourquoi, l'éducation des enfants dyslexiques/dysorthographiques doit particulièrement comporter une éducation à l'effort personnel ( éducation à ne pas affecter uniquement à l'école ou aux rééducateurs, mais qui relèvent fortement aussi des parents !).
Enfin les tolérances et adaptations possibles à travers les structures scolaires ou professionnelles de notre société seront autant de chances d'intégration laissées à ces enfants ou adultes au fonctionnement du langage certes plus difficiles, mais dont les ressources d'intelligence normale et de richesse personnelle valent celles de nous tous...

Valérie ALBERTI , orthophoniste (Luxembourg)
Catherine VERDIER , psychologue (Luxembourg)

Méthode Globale. Les saboteurs de la lecture

Les enfants lisent mal. Conséquence de la méthode globale et d'un lobby de "pédagogues".
Valeurs Actuelles, 30 mai 1998 par Humbert Rambaud

C'est un exercice obligé: tout ministre de l'Education nationale doit associer son nom à une réforme. Pour Ségolène Royal, ministre délégué à l'Enseignement scolaire, ce pourrait être la lecture. "Des mesures concrètes... visant à renforcer l'efficacité de l'école élémentaire sont en préparation", dit-on au ministère. Quand ? "Avant la rentrée prochaine". Rien n'a pour l'instant filtré, mais "Ségolène réfléchit, Ségolène consulte".

Elle aura fort à faire. Les chiffres ont de quoi faire frémir. Selon la dernière étude menée en mai 1996 par la Direction de l'Evaluation et de la Prospective du ministère, seuls 17 % des élèves entrant au cours élémentaire deuxième année (CE2) ont des "compétences remarquables" en lecture, ce qui signifie, selon la DEP, qu'ils "comprennent un texte en mettant en relation des informations qu'il contient" ! A contrario, près des deux tiers en sont incapables, soit qu'ils ne sachent ni lire ni écrire (15 %), soit qu'ils aient tout juste les "compétences de base" (reconnaissance des mots courants, déchiffrage des mots inconnus, compréhension d'un texte simple). "S'ils savent déchiffrer, souvent en ânonnant, résume un instituteur, ils n'ont pas l'aisance nécessaire pour comprendre réellement ce qu'ils lisent."

Pour les enfants entrant en sixième, le "passif" est tout aussi lourd : quatre élèves sur dix sont dans l'incapacité de tirer des informations ponctuelles d'un écrit. Beaucoup ne comprennent même pas de quoi parle le professeur, pour la simple raison qu'ils ne savent pas déchiffrer ! "Le handicap ne cesse d'augmenter", constate Xavier Darcos, inspecteur général de l'Education nationale, ancien directeur de cabinet de François Bayrou et ancien conseiller éducation d'Alain Juppé. Encore ne s'agit-il que de statistiques officielles...

Ségolène Royal réussira-t-elle où ses prédécesseurs ont échoué ? Que d'efforts, en effet, ont été déployés depuis plus de vingt ans. Christian Beullac, déjà, avait décrété "l'année de la lecture" en... 1979. En 1985, Jean-Pierre Chevènement affirmait fortement (relayé par François Bayrou en 1993) : "Au primaire, les enfants doivent apprendre à lire, à écrire et à compter." Mais les ministres passent et les statistiques demeurent, comme si tous les généraux de l'Education nationale étaient tétanisés dès qu'il s'agit de livrer la bataille de la lecture.
Sans préjuger des actions qu'elle entend mener pour la "maîtrise des langages", il y a fort à parier que Ségolène Royal n'échappera pas à ce "mauvais sort". Sa marge de manœuvre est très étroite. Réformer la lecture, c'est s'attirer les foudres dune coterie qui détient aujourd'hui en France le pouvoir pédagogique.

Il faut lire l'essai de Liliane Lurçat, La destruction de l'enseignement élémentaire et ses penseurs (Editions F-X. de Guibert). Cette psychologue de renom, chercheur au CNRS, brise la loi du silence : "L'école a été confisquée par des fonctionnaires qui s'arrogent le droit de décréter ce qu'est la culture, ce que sont les savoirs et ce que sont les enfants."


L'enseignement traditionnel jugé trop élitiste

Depuis les années vingt, sous l'influence du Groupe Français d'Education Nouvelle animé par Paul Langevin et Henri Wallon, ces "pédagogues" n'ont eu de cesse d'anéantir l'enseignement traditionnel (l'école de la rigueur fondée sur l'étude progressive des matières, jugé par eux trop élitiste et trop bourgeois. C'est tout un système qui s'est mis en place à leur initiative. Dans un but de "justice sociale" pour permettre l'égalité des chances, la transmission des savoirs devait être remplacée par le "spontanéisme pédagogique" : l'enfant ne devait plus apprendre mais découvrir par lui-même.

"Plus qu'une coterie, une secte", affirme Liliane Lurçat en égrenant la longue liste de ses actuels "membres" : l'Institut National de la Recherche Pédagogique, l'Association Française pour la Lecture, certains Centres de recherche et d'action pédagogiques, divers UFR des sciences de l'éducation et l'Observatoire national de la lecture (ONL).
Cet organisme consultatif, mis en place par François Bayrou en 1994, est censé "recueillir des données sur les pratiques pédagogues efficaces" et "impulser de nouvelles recherches". Cet observatoire vient d'ailleurs de communiquer à Ségolène Royal, pour "nourrir sa réflexion", son dernier rapport : Apprendre à lire (Editions Odile Jacob).
Un ouvrage déconcertant ! Dans un jargon scientifico-pédagogique, les orientations préconisées par l'ONL ont de quoi surprendre. On y parle par exemple de "maîtrise du décodage graphonologique" et de "construction du sens dans les textes, dans un contexte de lecture motivante et d'acquisition de connaissances sur la nature et la société". Le tout ponctué d'évidences : "L'activité de lecture est spécifique à l'espèce humaine" ; "l'identification des mots écrits" est une "compétence incontournable" ; "l'alphabet, l'ensemble des signes avec lesquels nous écrivons".

Pour ces "autorités morales de la lecture" l'échec d'un enfant serait le fait d'éléments extérieurs à l'école. Les "déficiences physiques ou psychiques, environnement socio-économique ou culturel défavorable..... sont largement responsables des problèmes rencontrés par les futurs lecteurs" ,estime en effet l'ONL dans son rapport. Parmi ces facteurs "discriminants" : le nombre d'élèves dans une classe, le temps passé par ces enfants devant la télévision et les jeux vidéo, des parents qui ne lisent jamais...

Liliane Lurçat ne nie pas les conséquences du "divertissement hors de l'école" : "La fatigue accumulée par le manque de sommeil, les discontinuités de l'attention qui en sont la conséquence, retentissent sur les attitudes scolaires, elles ont un effet non négligeable sur les résultats des enfants". Mais ils ne peuvent expliquer seuls le développement d'un échec scolaire "massif et systématique".

Une prise de position partagée, en privé, par de nombreux instituteurs de l'enseignement public. "Qu'on ne me fasse pas croire qu'en 1930 un paysan de l'Aveyron avait un environnement culturel favorable à la lecture entre les travaux des champs et des parents souvent analphabètes", remarque un enseignant de Nice.

Alors ? Pour Liliane Lurçat, il n'y a aucun doute. "Les facteurs scolaires sont sciemment occultés. L'échec doit être mis en relation avec la destruction systématique de l'enseignement élémentaire", entreprise depuis quelques décennies par la coterie qu'elle dénonce.

Depuis la guerre, la pensée de cet influent lobby a imprégné tous les rouages de l'Education nationale, jusqu'à produire la méthode de lecture globale. "Inventée au départ pour les sourds", rappelle Liliane Lurçat. L'enfant part de mots entiers puis doit les mémoriser grâce au support de l'image. Cela donnait donc "Le cha n'em pa l'o" (le chat n'aime pas l'eau), première phrase enseignée par un manuel appliquant la méthode dite globale il y a une quinzaine d'années.

Des errements qui appartiennent au passé ? C'est ce que l'on croit souvent. C'est aussi ce que prétendent les pédagogues et les linguistes "officiels" chez qui la "croisade" de Liliane Lurçat n'a déclenché que mépris, ironie soupirs. Le débat sur les méthodes ? Une vieillerie. "Plus personne ne pense que c'est là le fond du problème, explique un inspecteur de la région parisienne, et personne n'a envie d'y revenir."

Depuis 1985, expliquent-ils, l'Education nationale n'impose plus aucune méthode. Les enseignants ont une totale liberté de choix entre les méthodes syllabique et semi-globale (voir encadré). La globalité serait totalement tombée aux oubliettes en raison de sa très mauvaise réputation chez les parents d'élèves.

Aujourd'hui et depuis quinze ans, soulignent-ils, dans l'enseignement public comme dans le privé sous contrat d'association, instituteurs et enfants ont à leur disposition des méthodes dites "semi-globales" (600000 exemplaires vendus chaque année). Deux élèves sur trois apprennent aujourd'hui à lire soit avec Ratus (un rat vert fanatique de moto, Hatier), soit avec Gafi, (un fantôme qui distrait Mélanie la chipie, Arthur le gros dur ou Rachid le timide, chez Nathan). "Cela permet toutes les démarches pédagogiques", expliquent Jean et Jeannine Guion, les "créateurs" de Ratus il y plus de dix ans.
A première vue, ces manuels feraient la part belle à la "syllabique", surtout dans la méthode Ratus. Des exercices d'écriture et de lecture simultanée (un grand retour) sont proposés. "L'acte matériel de lire est indissociable de celui d'écrire" , peut-on lire dans la méthode Gafi.

Pourtant, les ingrédients de la méthode globale sont encore là : l'absence de progression, la découverte par l'éveil (l'enfant part de mots chargés de "valeur affective" pour les découvrir et les analyser). Dans Abracadalire, autre méthode éditée par Hatier, les titres des parties de la première leçon sont révélateurs : "j'écoute", "je lis", "je retiens", "je fais fonctionner", "je découvre des phrases" et... "je peux aussi écrire". Dans Pas à Page (Nathan), l'enfant est invité à "inventer des phrases". "Le jeu des devinettes continue", reconnaît un instituteur des Yvelines.

Qui plus est, la part belle est faite aux "nouveaux savoirs", fruit des travaux sur les "chemins cognitifs" de l'enfant. Au programme : dessiner le plan de son école, construire un brigand avec des bouts de bois, décrire un crapaud accoucheur ou la gestation chez la vache, découvrir la publicité... C'est la fameuse "école de la vie", c'est-à-dire la concentration sur l'enfant tel qu'il est, la prise en compte de ses intérêts, de son "parler jeune", de ses repères "télé", de sa culture "vivante".

La méthode "traditionnelle" continue, quant à elle, d'être vouée aux gémonies. Si des instituteurs l'utilisent, c'est sous le manteau, sous peine d'être mat notés par les inspecteurs. "Dans beaucoup de cas, avoue notre institutrice de Nice, les inspecteurs ont été formés à la méthode globale ou ont participé à son élaboration. Pas question de les contredire !"


De l'influence des syndicats sur la lecture

La méthode Boscher, inventée par un couple d'instituteurs bretons dans les années vingt, qui a formé des générations d'écoliers, est bannie des établissements scolaires. Les "tenants officiels" de la pédagogie n'ont pas de mots assez durs pour la stigmatiser. "Des phrases bébêtes", juge une responsable du SNUIPP, principal syndicat des instituteurs, proche du PCF "Boscher, il n'y a rien à comprendre. Je la condamne à 100 % , affirme de son côté Carole Thiffet, agrégée de lettres et maître de conférences à l'IUFM de Versailles, car c'est elle la responsable de l'échec scolaire."

Peut-il en être autrement quand Jean Fourcambert, chercheur en sciences de l'éducation à l'INRP et membre de l'ONL, estime que Jules Ferry a développé une "logique de soumission". "Le comportement alphabétique étant devenu superflu, l'école doit, écrit-il , rompre avec ses pratiques historiques" !

Si l'ONL se garde bien d'attaquer telle ou telle méthode, il ne cache pas ses préférences. "Plutôt que d'accabler l'apprenti lecteur sous des exercices interminables de lecture et de copies de syllabes, que ces syllabes partagent ou non un même phonème, une même lettre, c'est à l'intelligence de l'enfant, à sa capacité de compréhension de principes abstraits, qu'il faut s'adresser."

Le discours est de la même eau au SNUIPP, où l'on explique avec le plus grand sérieux qu'il faut "réaliser des opérations d'ingérence avec l'enfant et décoder les sous-entendus". Comprenne qui pourra ! "La recherche scientifique doit être appréciée sur ses progrès, l'école à ses fruits. Or le ver a mangé le fruit", affirme Liliane Lurçat.

"Inattention, incapacité à se concentrer, manque d'orthographe" sont les doléances quireviennent le plus souvent. "On continue de tromper les enfants", constate de son côté Marie-Brigitte Lemaire, une pédagogue qui a mis au point (et exporté en Belgique, pays qui a dû subir lui aussi les ravages de la globalité) une méthode gestuelle (Jean qui rit) alliée au B.A.BA.

Fantasme d'"odieux conservateurs" ? Des rapports officiels ont dressé un même constat d'échec.

Dans une étude menée auprès de deux cent trente-sept CP et CM 2 en 1994, le groupe enseignement primaire de l'Inspection Générale a dénoncé l'insuffisance du temps consacré à la lecture, l'absence d'articulation entre déchiffrage et compréhension, une lecture zapping en diagonale à partir de textes trop brefs, peu de lecture à voix haute (qui permet de décrypter le sens) ; et "rares sont les maîtres qui reviennent sur le sens du texte" !

Deux ans plus tard, dans son rapport annuel, l'Inspection Générale de l'Education Nationale soulignait que les enfants utilisent de moins en moins leur mémoire. Pourquoi ? Plus de récitation en début de cours, plus de listes de vocabulaire à apprendre, remplacées par des questionnaires à choix multiples.


"Des parents pris dans un cercle vicieux"

Et on ne compte plus les parents désespérés et blessés. "Ils sont pris dans un cercle vicieux, constate Marie-Brigitte Lemaire, l'enfant va voir un orthophoniste qui l'envoie chez un psychiatre. Puis le psychiatre convoque les parents car le problème de l'enfant vient sûrement d'eux !"

Cette Bérézina n'a pas pourtant l'air de troubler outre mesure les "scientifiques".

"Le niveau monte", dit Claire Thiffet. "On ne peut nier que l'apprentissage de la lecture ait progressé, ni que les élèves en aient bénéficié. Les évaluations nationales le prouvent", lit-on dans un ouvrage pédagogique (Eléments pour une pédagogie différenciée, Armand Colin). Raison de leur "optimisme" : les deux tiers des enfants rentrant en classe de CE2 savent "à peu près" lire.

"A peu près", c'est tout ce qui fait la différence entre la réussite ou l'échec. "On sait ou on ne sait pas lire" , tempête Liliane Lurçat. "Les enfants très doués ou moins doués mais d'un milieu plutôt, favorisé s'en sortiront toujours, constate un instituteur. Pour les autres, ils auront besoin d'un sérieux soutien familial s'ils veulent savoir lire un jour."

La meilleure preuve de cet échec n'est-elle pas le succès toujours renouvelé de la "vieille" méthode Boscher ? Exclue des écoles, elle se vend à plusieurs dizaines de milliers d'exemplaires chaque année dans les grandes surfaces ! Un tour de force réalisé sans aucune publicité, car, explique Belin, son éditeur, "il n'est pas question de communiquer sur une méthode dépassée qui ne fait qu'accroître l'angoisse parentale".

Un expert contre la méthode globale

Entretien : Le Dr Ghislaine Wettstein-Badour* juge néfastes les méthodes globale et semi-globale.

Comment se passe le processus de la lecture dans la tête de l'élève qui lit?

Dr WETTSTEIN-BADOUR : La compréhension du message nécessite de très nombreuses opérations qui mettent en jeu de multiples aires et circuits cérébraux. Déjà en 1981, avec l'attribution du prix Nobel de médecine à l'Américain Roger W. Sperry, on avait acquis deux connaissances essentielles en matière de langage :
- Le cerveau possède la capacité de différencier l'écrit parmi les autres formes de graphisme. Le mot n'est pas assimilable à une image. Le graphisme de l'écrit est traité d'une manière analytique en partant des éléments les plus simples pour aller vers les plus complexes.
- L'hémisphère droit se charge de l'orientation dans l'espace des éléments identifiés et travaille de manière analogique.


Que se passe-t-il concrètement lors de l'utilisation d'une méthode globale ou semi-globale ?

Dr WETTSTEIN-BADOUR : On propose à l'enfant des phrases ou des mots qui sont lus. On pense qu'il les mémorisera. Or, les mots n'étant pas des images, le cerveau ne peut les retenir dans leur ensemble. Il va donc exécuter seul le travail de décodage qui le mènera à découvrir les lettres et leur présence sonore. Si les enfants présentent une anomalie d'identification des sons ou des formes, ils se trouvent alors confrontés au maximum de risques d'échec.
La méthode globale ou dite semi-globale sera pour ces enfants vulnérables (qui sont assez nombreux) le révélateur d'anomalies sous-jacentes qu'elle fixera ou qu'elle pourra même aggraver dans certains cas. La méthode dite semi-globale est aussi nocive que la méthode globale pour les jeunes enfants, car elle commence elle aussi par une période d'apprentissage purement global, aussi peu conforme à la nature humaine et aux exigences de la neurologie cérébrale.

Propos recueillis par Denis Lansel

* Ghislaine Wettstein-Badour : Disciple du Prix Nobel de médecine R. W. Sperry, Mme Badour, elle aussi médecin, est spécialiste des problèmes des jeunes en âge scolaire. Auteur d'un ouvrage sur la recherche médicale au secours de la pédagogie, elle préconise le retour à la méthode syllabique classique, plus conforme, dit-elle, au fonctionnement du cerveau.