samedi 4 octobre 2008

Votre enfant et la télévision

Beaucoup de parents s'interrogent sur l'influence de la télévision et se demandent quelle attitude adopter avec leurs enfants à ce sujet. Que faut-il autoriser ? Que faut-il interdire ? Combien de temps un enfant peut-il passer devant la télévision ? Quels sont les programmes qui lui conviennent ?
Cette page a pour but d'apporter des éléments de réflexion à tous ceux qui s'interrogent.
Avoir la télévision : c'est incontournable
La télévision fait partie de notre mode de vie. Vouloir nier cette réalité irait à l'encontre du bon sens. C'est pourquoi, il me semble que les parents qui, par principe éducatif, ont décidé de ne pas avoir de télévision à leur domicile prennent le risque que leurs enfants se sentent marginalisés par rapport à la culture télévisuelle. Car cette culture existe bel et bien. Même si c'est la culture du Loft story ou de Star Académy. A partir du moment où les enfants se sont intéressés à ces émissions et se sont même passionnés pour elles, il ne servirait à rien que votre enfant soit exclu de toutes les discussions qui animent les cours de récréation à leur sujet. D'ailleurs, les enfants dont les parents résistent de façon impitoyable à l'accueil d'une télé à la maison, se débrouillent toujours pour aller voir les émissions qui les passionnent chez leur copain, chez des voisins ou chez leurs grands-parents. Mais quand ils le font, c'est alors avec un sentiment de culpabilité qui risque de perturber le climat de confiance établi entre les parents et les enfants. Donc, le principe de la présence de la télévision à la maison étant posé, il reste à édicter un code de bonne conduite pour l'utiliser comme un instrument d'éducation.
Un code de bonne utilisation de la télévision en famille
Ce code de bonne conduite devra être à la fois stable et évolutif. Les règles étant posées, elles seront appliquées car sinon quel crédit l'enfant pourrait-il accorder à la parole des parents si ces derniers ne se préoccupent pas de tenir les engagements prévus. La dérogation aux principes établis ne pourra être qu'exceptionnelle : fêtes de fin d'année, venue d'invités...Par contre ces "lois" intrafamiliales doivent être redéfinies périodiquement (par exemple chaque année) en fonction de l'âge de l'enfant. Lorsqu'il y a plusieurs enfants d'âges très différents dans une même fratrie elles doivent être modulées et individualisées pour chaque enfant. Il faut alors expliquer aux plus jeunes que ce qui est permis aux grands, le sera également pour eux, quand ils auront atteint cet âge-là.
Ces règles de bonne conduite entre la télé et votre enfant doivent être expliquées. Cette discussion ouvrira d'ailleurs un espace de dialogue propice à la communication parents/enfants. Si avoir une télévision à la maison est inévitable, par contre, il me semble très difficile de gérer une télévision qui serait destinée à l'usage personnel de l'enfant et qui serait donc située dans sa chambre. Comment les
parents pourraient-ils dans ce cas en contrôler l'usage ? Car la télévision est un instrument indispensable mais pour autant les parents ont le devoir de contrôler l'utilisation qui en est faite. En effet, un enfant qui a une télévision dans sa chambre aura la tentation permanente de la regarder à tout moment. Ce sera souvent au détriment de son sommeil, de son travail scolaire, ou au détriment d'autres activités qui sont indispensables à son bon développement : activités motrices pour les plus jeunes, sport, jeux, visites chez les copains pour les enfants plus âgés.
Donc, la meilleur place pour la télévision sera la salle de séjour où la famille se réunit en fin de journée lorsque chacun a fait son travail de la journée et apprécie de se retrouver. En effet, je ne pense pas qu'accepter que votre enfant regarde la télévision le matin, avant d'aller à l'école, soit une bonne introduction à sa journée de petit écolier. Il y a un temps pour tout : pour le loisir et le travail. De mon point de vue, accepter que l'enfant regarde des dessins animés le matin le détourne trop de ses préoccupations de petit écolier. Aller à l'école est une affaire sérieuse et s'y préparer le matin en vérifiant son cartable, en révisant ses leçons est un comportement qui le met dans de bonnes conditions pour réussir sa journée. Bien sûr, pour que cette loi fonctionne au sein d'une maison, il faut que chacun la respecte aussi : les adultes comme les enfants.
Pour les émissions qui sont réservées à la jeunesse et que vous connaissez, l'enfant peut regarder son programme seul ou avec ses frères et soeurs sans la présence de l'adulte. Ce moment devant la télé doit se situer en fin de journée, après les devoirs et avant le repas du soir. En semaine, il n'est pas souhaitable que l'enfant regarde les émissions de la soirée car cela se ferait au détriment de ses heures de sommeil. L'enfant ne peut être attentif en classe que s'il a assez dormi. C'est aux parents d'être ferme et d'imposer l'heure du coucher en expliquant à l'enfant que son travail du lendemain en souffrirait s'il restait devant la télé après le repas du soir. Le samedi soir, si l'enfant a une dizaine d'années, il est possible d'accorder une permission de veiller si l'émission est familiale. Mais en tout état de causes, veiller au delà de dix heures du soir n'est pas très bon, même lorsque l'enfant ne va pas à l'école le lendemain car s'il veille trop tard, cela risque de perturber ses rythmes de sommeil et il aurait du mal à s'endormir le dimanche soir.
Le choix des programmes
Choisir le programme est un moment d'échange avec l'adulte qui peut améliorer la communication parent/enfant. L'enfant va pouvoir exprimer ses préférences, donner son avis, connaître le point de vue de ses parents sur telle ou telle émission.
Pour l'enfant qui est à l'école maternelle cela peut-être l'occasion pour lui, d'avoir un contact avec le monde de l'écrit en essayant de repérer certains indices dans le journal consacré aux programmes télés. Pour l'enfant qui commence l'apprentissage de la lecture, lire le programme ou le résumé de l'émission peut le motiver et lui montrer l'intérêt de devenir un bon lecteur.
Les repères donnés par les chaînes sont maintenant très clairs et vous permettent de ne pas avoir de mauvaises surprises en cours d'émission. Mais ces repères ne sont là que pour aider les parents à faire leur choix. Ils n'ont pas de valeur absolue. Vous, qui connaissez votre enfant, serez le plus qualifié pour juger si une émission va lui convenir. Dans le choix de programmes, les parents doivent tenir compte des conditions dans lesquelles leur enfant les regarde. Certaines émissions peuvent être acceptables pour un enfant à condition qu'il y ait un adulte près de lui pour médiatiser certaines images qui seraient trop violentes s'il les regardait seul. Rappeler au cours d'une fiction que ce n'est que du cinéma. Expliquer les conditions de tournage d'un film apporte une distance entre le spectateur et les scènes vues. Les adultes savent faire spontanément cette mise à distance mais pour l'enfant cette distinction entre réalité et fiction n'est pas toujours très nette. Le rôle de l'adulte est dans ce cas capital. Il ne faut pas oublier que l'affectivité de l'enfant est très éloignée de celle d'un adulte. Certains enfants peuvent être bouleversés par des scènes de dessin animées. Dans ce cas, l'adulte doit alors être là pour aider l'enfant à verbaliser ce qu'il ressent.
A l'inverse, tout dans les actualités n'est pas bon à montrer. L'adulte doit être vigilant et faire le filtre entre la réalité du monde et ce que son enfant va voir. Il y a quelques années, les images de la destruction des tours jumelles à New York avaient choqué beaucoup d'enfants. Actuellement, les reportages relatifs aux attentats quasi quotidiens en Irak sont des images très violentes. Ce n'est pas très bon d'angoisser les enfants même si ces événements sont réels. Les adultes doivent être vigilants et préserver les enfants des menaces du monde des adultes. Car l'enfant n'a pas la maturité psychique suffisante pour tout intégrer : menace nucléaire, menace de guerre, de terrorisme, de pollution....Tant que l'enfant ne réclame pas d'informations à ce sujet il n'est pas utile de l'informer avant qu'il ait l'âge et les ressources affectives suffisantes pour dépasser ses peurs. En effet, beaucoup d'enfants reprennent à leur compte les craintes de leurs parents. Donc, soyez vigilant, si vous-mêmes vous êtes angoissé, évitez de faire porter le poids de vos inquiétudes à votre enfant. Lorsque l'enfant sera plus grand et souhaitera lui-même échanger avec vous à ce sujet, la situation sera différente.
Votre contrôle éducatif ne doit pas non plus vous entraîner dans des excès. N'imposez pas vos choix de façon trop autoritaire. Ne cherchez pas systématiquement des émissions dites culturelles. La télévision doit avant tout rester ludique. C'est là sa finalité principale même si en plus elle peut apporter bien d'autres avantages. L'enfant de toute façon ne s'intéressera à une émission que s'il a envie de la regarder. Ce n'est pas parce que vous avez décidé que cette émission sera bonne pour lui qu'il en tirera profit. Les émissions culturelles ne sont culturelles que si l'individu s'approprie ce savoir. Elles doivent être une occasion pour vous de discuter avec lui. Quels prolongements pouvez-vous donner à cette émission ? Chercher un livre ou un magazine qui traite du même sujet, faire une visite d'un lieu proche de votre domicile et qui a un lien avec le sujet traité.
Conclusion
La télévision peut donc tout à fait avoir une valeur éducative au sein d'une famille. mais bien souvent pour que tous ces principes soient applicables, l'adulte devra lui-même faire quelques sacrifices. Baisser le son de la télé pour permettre à l'enfant de s'endormir paisiblement. Voire même éteindre tout à fait la télé si on a interdit à l'enfant de regarder une émissions qui le passionne. Il est aussi possible d'utiliser le magnétoscope à des fins éducatives. Notamment enregistrer une émission trop tardive permettra à l'enfant de la regarder à un moment mieux adapté. La magnétoscope peut aussi être utilisé comme un ciné-club à domicile qui présentera le programme idoine.


http://pagesperso-orange.fr/genevieve.cavaye/
Pour ceux qui veulent approfondir le sujet :
Eduquer l'homo "zappiens", René BLIND, Michael POOL, édition Jouvence, 2000
La télévision buissonnière, René BLIND, Michael POOL, édition Jouvence, 1995
Le bonheur dans l'image, Serge TISSERON, édition Empêcheurs de penser en rond, 2002
La famille envahie par les images, Serge TISSERON, 2001
Enfants sous influence, Serge TISSERON, 2000
Y a-t-il un pilote dans l'image ?, Serge TISSERON, édition Aubier, 1998

L'hostilité des ados, c'est de l'attachement

Philippe Jeammet

L’Express. Propos recueillis par Claire Chartier, mis à jour le 14/05/2004

Il déteste l'esbroufe et les formules qui claquent. Mèches neigeuses et franche poignée de main, Philippe Jeammet fait figure de vieux sage dans la cohorte très fournie des «médecins de l'âme». Les ados mal dans leur chair et dans leur tête, il connaît. Depuis plus de trente ans, ce chef du service de psychiatrie de l'adolescent et du jeune adulte à l'Institut mutualiste Montsouris - une unité pionnière dans les troubles du comportement - tente d'arracher anorexiques et boulimiques aux sirènes de l'autosabordage. L'adolescence est un âge «contradictoire» où «le rejet de l'adulte est à la mesure du besoin qu'on en a», résume Philippe Jeammet. Ce thérapeute aux formules limpides, qui préside également l'Ecole des parents d'Ile-de-France, a participé à la préparation de la prochaine Conférence ministérielle sur la famille, prévue pour l'été prochain. Avant ce grand rendez-vous, consacré cette année à l'adolescence, il met à nu nos ados «aquoibonistes», plus chouchoutés que jamais.
Dans un récent sondage de la Sofres, 85% des adolescents se disent bien dans leur peau. La plupart des très nombreux ouvrages qui sortent chaque année sur la puberté présentent pourtant cette période comme un chemin de croix. Pourquoi un tel décalage?
De nos jours, tout le monde se dit «en souffrance» pour tout et n'importe quoi. Je crains que l'utilisation abusive de ce terme n'ait un effet délétère, en parant la douleur d'un halo romantique. L'adolescence n'est pas obligatoirement violente ou douloureuse. Dans leur grande majorité, les jeunes vont même mieux qu'avant, car la société leur offre plus de possibilités d'expression, plus de chances de réussite, plus de moyens d'emmagasiner des connaissances. Mais ces facilités rendent plus scandaleux le fait que 15% des jeunes aillent mal. D'autant que ces adolescents expriment leurs difficultés de façon plus spectaculaire que naguère: les troubles du comportement, comme la toxicomanie, la délinquance, les dérèglements alimentaires ou les scarifications, sont en augmentation, ou du moins plus visibles et mieux repérés.
Comment expliquez-vous cela?
Les jeunes, à l'instar des adultes, parlent plus facilement de leurs problèmes. Lorsque l'hebdomadaire Elle a publié le premier article sur la boulimie, il y a vingt ans, la rédaction a reçu 3 000 lettres dans la semaine! Derrière ces maux se cache l'angoisse de la performance. Aujourd'hui, il ne s'agit plus d'être conforme aux normes, mais d'aller toujours plus loin. De nombreux adolescents ressentent cette pression au travers de leurs parents. Les adultes sont pris dans une contradiction: d'un côté, ils estiment que la réussite passe par l'acquisition d'un maximum de savoirs et de biens matériels; de l'autre, ils pensent que rien ne sert de se battre, puisque le chômage les menace. Ils en arrivent à être trop tolérants face au manque de travail ou à ne pas assez s'inquiéter de l'absence de motivation de leurs enfants, qu'au fond ils comprennent trop bien! Malheureusement, ce type de comportement n'a pas du tout les mêmes conséquences chez un adulte, qui a déjà fait la preuve de ses capacités, et chez un adolescent, qui a encore tout à prouver. Certains adolescents ressentent l'intensité de leurs envies comme une menace pour leurs parents et retournent cette force contre eux en se sabotant.
Terrible renversement! Comment analysez-vous cette phase si paradoxale de l'adolescence?
C'est l'âge de la vie au cours duquel l'être humain doit s'émanciper pour aller vers le monde adulte tout en ayant encore besoin de la protection dont il jouissait dans l'enfance. L'adolescent redoute de se confronter au monde des adultes, mais, comme l'idée de se cramponner aux parents lui est tout aussi insupportable parce qu'elle affaiblit son autonomie naissante, il se rend désagréable en s'opposant ou, au contraire, en restant collé à ses parents. L'adolescent qui va mal ressemble au Corse de la blague, qui dit à son copain: «Tu as regardé ma sœur, qu'est-ce que tu lui veux?», avant d'ajouter aussitôt: «Quoi, tu l'as pas regardée? Tu ne la trouves pas belle, peut-être?»
Les ados les plus révoltés sont donc aussi ceux qui sont les plus dépendants des adultes?
Absolument! Plus l'adolescent a peur, plus il est tenté de faire peur pour dissimuler son anxiété. Ce n'est pas tant l'amour que l'inquiétude qui dicte sa dépendance, inquiétude accentuée par toutes les questions que le jeune se pose sur son corps. Parfois, l'adolescent a trop besoin des autres, et ce «trop» est très lourd à digérer. Si une anorexique ne mange pas, ce n'est pas parce qu'elle veut mourir, mais parce qu'elle a peur de ne plus pouvoir s'arrêter si elle se met à manger. En arrière-fond, on trouve deux angoisses humaines fondamentales: l'angoisse d'abandon et l'angoisse de fusion ou d'intrusion: «On s'occupe de moi, donc on m'envahit, on met au jour tous mes défauts.» Lorsque les ados lancent à leurs parents: «Tu me prends la tête», ils ne voient pas que c'est l'intensité de leur attente qui les rend si réactifs. Ils tentent de résoudre la contradiction qui les habite en broyant du noir, en présentant leurs échecs comme un choix personnel, alors que c'est la peur qui dicte leur comportement: la peur d'être débordé par leurs envies, de ne pas être à la hauteur de ce qu'ils imaginent que les autres exigent d'eux. Au fil du temps, ils risquent de se construire une identité et une différence dans le malheur plutôt que dans le plaisir, et d'utiliser la stratégie du refus comme une drogue: «Plus je refuse, plus je me sens fort, et donc plus j'existe et plus j'ai de pouvoir sur les autres.» L'engrenage dure parfois des années.
Comment les parents peuvent-ils mettre fin à cette spirale?
D'abord, en prenant conscience des inévitables contradictions de l'adolescence, et en cessant de s'en vouloir de ne pas être les parents qu'ils rêvaient d'être! Ensuite, en posant des limites et en disant à l'adolescent: «Nous ne pouvons pas accepter que tu gâches ainsi tes potentialités, quelles que soient tes difficultés, parce que ce que tu t'infliges est trop injuste.» Il y a des choses qu'on ne doit pas tolérer: le manque de travail, l'agressivité… Le meilleur encouragement, c'est le plaisir des parents à faire ce qu'ils font et leur intérêt pour la vie et le monde. Et la meilleure façon de donner confiance à son adolescent est de lui permettre de faire ses propres expériences, à distance de la famille. Rester collé à son enfant, lui céder sur tout en pensant qu'il ira mieux ainsi est une erreur: cette attitude conforte le jeune dans l'idée qu'il ne pourra jamais se débrouiller. Prenez l'école. Les parents croient bien faire en aidant l'adolescent à rédiger ses devoirs. Le risque, c'est que ce dernier attribue ses bonnes notes aux adultes, et non pas à lui-même. En cas d'échec scolaire, le recours aux études surveillées et à l'internat me paraît une bien meilleure solution. Les séparations provisoires, pendant les vacances ou à l'occasion d'un séjour à l'étranger, sont aussi très bénéfiques.
Mais, pour des parents inquiets, accepter l'éloignement n'est pas facile!
Vivre, c'est prendre des risques. De toute façon, lorsqu'un adolescent dérape, son entourage s'en aperçoit vite: il se replie sur lui-même, sabote ses potentialités, ne peut prendre du plaisir qu'en se mettant en danger… C'est la grande tentation humaine du nihilisme, qui nous habite tous, mais plus particulièrement à cet âge. «A défaut d'être grand dans la réussite, je peux toujours être grand dans l'échec.»
Dans le même ordre d'idée, que pensez-vous des défis imbéciles et masochistes que se lancent de plus en plus d'ados, sur le modèle de l'émission américaine Jackass: dévaler une pente à bord d'un Caddie, s'agrafer les testicules…
C'est la même logique. Quand on joue à se faire mal, on gagne à tous les coups! Et, comme il n'y a plus de limites, les adultes laissent les adolescents aller aussi loin qu'ils veulent. C'est une forme d'abandon, et même de maltraitance. On ne laisse pas ceux qu'on aime s'abîmer ou être humiliés.
Comment faire comprendre cela à un ado révolté?
Il ne faut justement pas essayer de le lui faire comprendre - l'adolescent ne supporte pas que les adultes aient l'air de mieux savoir que lui ce qui lui arrive - mais lui donner envie de sortir de l'impasse. Voilà pourquoi il est si important que les parents aient, eux aussi, une vision positive de l'avenir. Ils doivent comprendre que l'hostilité de leur adolescent reflète un attachement profond dont il croit se délivrer par ce qui est vraiment inacceptable pour les parents: qu'il se fasse du mal.
Et si même la solution de la séparation ne suffit pas?
Il faut se tourner vers un tiers: quelqu'un de la famille, un ami, ou un thérapeute si le problème persiste. Lorsqu'un adolescent refuse d'aller consulter, il faut savoir qu'il teste la volonté réelle de ses parents de régler le problème hors du cercle familial. Souvent, les adultes envoient un message implicite: «Tu ne vas pas nous trahir, nous allons régler les choses en famille.» Ils demandent à leur enfant de les conforter dans l'idée qu'ils sont de bons parents. Les adolescents ne sont pas là pour remonter le moral des adultes!
Depuis quelques années, on parle beaucoup des «préados». Cette catégorie existe-elle vraiment?
C'est une invention des marques et des médias, qui peut se révéler très dangereuse: les petites filles ont le temps de jouer aux lolitas! Respectons leur enfance. La télévision a une grande responsabilité. Par l'écran, le monde des adultes fait brutalement effraction dans celui de l'enfant. Ce peut être un traumatisme, et, donc, une forme d'abus. L'interdit, même s'il est transgressé, a une fonction de protection. L'intrusion du côté sordide, de la dérision, de l'excès d'excitation du monde des adultes dans l'univers des enfants est une forme de viol. Elle menace les capacités de tendresse et de confiance. Tout comme l'exhibition des adolescents souffrants. Après chaque fait divers un peu spectaculaire mettant en scène un adolescent, les médias nous appellent en nous demandant de leur trouver un jeune qui va mal. Nos patients sont souvent ravis de se montrer. «J'existe, parce qu'on me voit», pensent-ils. Mais c'est un piège: certaines anorexiques se sont suicidées après avoir été placées sous le feu des projecteurs. Notre rôle de thérapeutes consiste à protéger leur intimité.
Que se passe-t-il dans la tête des adolescents qui s'étourdissent d'alcool, de vitesse et de cannabis?
Ils tentent de maîtriser leur peur intérieure, parfois de se prouver qu'ils sont plus forts que le destin. Dans tous les cas, ils ont l'illusion d'être leur propre maître, alors que, comme le taureau dans l'arène, ils sont prisonniers des émotions suscitées par l'environnement.
8,7% des jeunes âgés de 10 à 19 ans ont déjà pris un psychotrope sur ordonnance, d'après la Caisse nationale d'assurance-maladie. Les adolescents sont-ils surmédicalisés?
La tendance existe, et il est à craindre qu'elle ne fasse que s'accentuer. Les médecins généralistes n'ont ni le temps ni la formation pour répondre aux angoisses des adolescents et de leurs parents. Le médicament demeure la solution la plus facile et la plus rapide. En outre, les praticiens ont trop tendance à prescrire des tranquillisants, qui favorisent une certaine dépendance, plutôt que des antidépresseurs et des régulateurs de l'humeur, ou même des neuroleptiques. Les adolescents acceptent plus facilement les tranquillisants que les autres psychotropes, qui leur font peur. Je vois des jeunes «accros» au haschisch refuser un psychotrope sous prétexte du risque de dépendance!
Les groupes préparatoires à la Conférence sur la famille ont fait une série de propositions en vue d'améliorer l'accompagnement de l'adolescence. A votre sens, lesquelles faudrait-il retenir?
L'examen de prévention effectué aux âges charnières - 12 ans et 14-15 ans - par un médecin et consigné sur le carnet de santé me semble une très bonne idée. Sans dramatiser, il faut mettre en place des clignotants et un suivi de l'enfant afin d'éviter son enfermement dans l'échec. L'école est bien placée pour détecter les enfants qui se marginalisent. Les professionnels, notamment les enseignants, doivent aussi être mieux informés sur la spécificité de l'adolescence. Le but n'est pas de provoquer une confrontation brutale - «Je t'oblige à faire ceci» - mais de marquer un arrêt pour dire: «Là, ça ne va pas, nous allons trouver des solutions.» Seulement, pour avoir l'autorité nécessaire, il faut en comprendre le sens.
Que pensez-vous des maisons de l'adolescence que le gouvernement souhaite développer?
Les secteurs hospitaliers de pédopsychiatrie font déjà beaucoup, mais, comme ils ne pratiquent pas le lobbying, on n'en parle pas! Ouvrir des maisons spécialisées est une chance. Cependant, il faut du personnel qualifié pour les faire fonctionner et pouvoir répondre à la demande en assurant le suivi indispensable. La relation avec les parents est souvent trop chargée d'attente et d'émotion. Il faut introduire des liens: éducateurs, soignants, mais aussi des lieux relais où s'associent les études, l'éducatif et le soin. Il paraît de plus en plus indispensable de développer la collaboration entre les différents professionnels de l'adolescence. C'est dans ce dessein que j'ai mis en route depuis deux ans une formation universitaire consacrée à l'adolescence difficile à Paris VI. Ce module s'adresse aux professionnels de l'Education nationale, de la santé, de la justice, de la police et de la gendarmerie.
Quand cesse-t-on d'être un ado?
Naguère, l'entrée dans la vie professionnelle et le mariage marquaient le passage à l'âge adulte. C'était au fond devenir raisonnable et renoncer à rêver sa vie. Aujourd'hui, les jeunes générations ne reproduisent plus le mode de vie de leurs parents. La relativisation des valeurs et des normes sociales libère l'individu, mais, ce faisant, met davantage en évidence sa vulnérabilité. J'y vois la raison principale de l'accroissement des troubles dits «narcissiques». Le risque de cette liberté est de confronter chacun à ses contradictions et à ce qu'on a appelé la «tyrannie du choix». Sous l'apparente anarchie des comportements, c'est la contrainte qui peut imposer sa loi: contrainte des ruptures successives et des passages à l'acte; contrainte du moi pris entre l'angoisse d'abandon et celle de l'intrusion; contrainte d'un nouveau conformisme social aussi: aujourd'hui, faire partie de la communauté des adultes consiste à se lancer dans la course folle aux apparences, à exister dans la recherche d'une excitation constante au détriment du contenu de ce après quoi on court. Etre adulte n'est pas un état statique, mais un mode de fonctionnement psychique qui permet de faire face à la réalité, tout en étant capable d'accueillir ce qui demeure en nous de l'enfant qu'on a été. Sans se sentir menacé ni débordé.

Ces adorables… ados!

Si on pouvait mesurer le taux d’anxiété des parents d’adolescents comme on calcule le taux d’alcoolémie, on verrait sûrement qu’il dépasse fréquemment le seuil acceptable de confort.
Premier party mixte, heures de rentrée de plus en plus élastiques, première sortie en auto avec un copain « très prudent », etc..
Comment rester « zen » avec tous ces changements à la vitesse grand « V ». Hier encore, il jouait au pompier et elle à la poupée. Aujourd’hui, il veut son permis de conduire et elle porte un « string ». Ils ont des pantalons trop grands ou trop serrés. Ils se cachent sous des capuchons où l’on ne distingue plus leur visage ou ils s’exposent presque dénudés à moins 10 degrés Celsius.
Comment le parent normal et bien constitué réussit-il à traverser sa crise d’ado-parent, parce que très souvent, c’est lui qui est en crise.

Petit guide de survie pour parents en déroute.
L’adolescence est une période d’importantes modifications tant physiques que psychiques et affectives. L’enjeu central de la période de l’adolescence en est un de taille : il faut à cet âge parvenir à se séparer de ses parents au plan psychologique, ceci pour pouvoir s’individualiser de façon à être une personne distincte et autonome.
En tant que parent, notre rôle est d’accompagner l’adolescent à travers ce processus qui crée bien des remous : ceci implique d’encourager l’affirmation et l’autonomie, tout en restant présent comme figure d’autorité, capable de poser des limites souples et rassurantes. Donc, on « résiste », on tient le coup, on reste là comme parent et non pas comme ami… On continue à jouer notre rôle d’adulte responsable qui émet et fait respecter des règles adaptées à son âge et à sa nouvelle réalité d’adolescent qui cherche à expérimenter.
Il faut laisser de l’espace à notre ado pour qu’il exerce ses nouvelles habiletés, même si cela implique qu’il nous confronte, qu’il se manifeste avec son opposition, ses demandes. Il est très important de maintenir le dialogue, parler, discuter, même s’il n’a pas l’air de nous écouter ou nous répond par des onomatopées telles que: « hum » « bof » « pas rap » ou pas du tout. On s’intéresse à notre adolescent, on discute de toutes sortes de sujets, mais bien entendu, on évite de le prendre comme confident.
On ouvre la porte aux amis : cela permet de connaître l’entourage de notre adolescent. On rappelle à ceux-ci de s’essuyer les pieds avant d’entrer, mais nous, comme parent, on ne va pas faire la fête avec eux! On continue les petites gâteries, les traditions : le gâteau préféré, le chocolat de Pâques qui souligne l’intérêt et l’attention que l’on continue de porter à notre enfant. On continue à faire des activités et des sorties avec notre adolescent, même si cela implique de devoir faire avec ses décorations, ses excentricités, ses cheveux rouges ou verts.
C’est ce qui l’aidera à se développer, à savoir :
• s’affranchir de ses parents,
• se former une identité à soi,
• se développer un monde à lui.

La fameuse crise d’adolescence…
L’adolescence en tant qu’étape de développement implique des changements subits qui entraînent des modifications dans les comportements, l’identité, les relations, la pensée et les émotions. Elle représente une période de bouleversements pour l’adolescent et, donc,
en ce sens une crise. Il s’agit toutefois d’une crise positive pour le développement.
Là où il faut être prudent quand on parle de crise de l’adolescence, c’est avant tout de :
• ne pas lui donner un sens malsain ou dysfonctionnel,
• ne pas tout mettre sur le dos de la crise, au risque de
masquer la présence de difficultés psychologiques réelles. Ce serait environ 5 à 15 % des jeunes qui s’inscriraient dans ce qui est considéré comme pathologique, soit la même proportion que dans la population en général.
De 75 à 85 % des jeunes traverseraient positivement leur crise d’adolescence, malgré tous les désagréments qu’ils peuvent faire vivre durant cette période… Donc chers parents, courage et maintenez le cap.

Danielle Pelletier-Basque. Maryse Pesant

vendredi 3 octobre 2008

Mondes virtuels : conseils pour les enfants

par Jean-Luc Raymond le 21 octobre 2008 dans Biblio - Webographie, Boite à outils et logiciels, Publics et Usages

L’ENISA (Agence européenne chargée de la sécurité des réseaux et de l’information - European Network and Information Security Agency) a publié en septembre (et en anglais) un rapport sur les mondes virtuels (”Children on virtual worlds - What parents should know”) qui délivre 25 conseils de sécurité destinés aux parents. Ce document de 48 pages est gracieusement téléchargeable en pdf à cette adresse.
Cette étude comprend une définition des mondes virtuels, dénombre quelques exemples de ces univers pour les enfants (Webkinz, Club Penguin, BarbieGirls, Moshi Monster, Adventure Rock) et indique les pratiques des enfants dans ces mondes virtuels. Le rapport s’intéresse aux enfants de moins de 12 ans et à leurs usages en ligne.
Dans une 2e partie du document, il est présenté le rôle des parents qui va de l’information, à leur implication et aux notions de responsabilités quant aux pratiques des jeunes dans l’accès et les usages des enfants aux univers virtuels.
L’étude de l’ENISA propose enfin 25 conseils de prévention aux parents. Basés sur le bon sens, ces points n’excluent bien entendu pas le rôle formateur des adultes auprès des enfants sur les pratiques liées aux mondes virtuels. Les EPN peuvent aussi être des lieux de découverte de ces usages et de discussion pour mieux comprendre ces univers, leur intérêt mais aussi leurs limites et dangers.
L’ENISA a synthétisé son rapport en 6 conseils clés :
1. Installez l’ordinateur dans une pièce commune.
2. Définissez des règles qui déterminent si et comment les enfants peuvent utiliser les mondes virtuels sur Internet et sur les téléphones portables.
3. Lorsque vous activez un compte pour un enfant, utilisez toujours l’adresse e-mail de l’un des parents.
4. Sachez que l’autorisation parentale devrait être nécessaire pour le traitement d’informations personnelles sensibles, les forums de discussion, l’envoi de publicités électroniques non sollicitées, etc.
5. Demandez aux enfants d’utiliser des pseudonymes neutres et non pas leur prénom réel.
6. Discutez avec vos enfants de leurs expériences. Encouragez-les à vous dire s’ils se sentent mal à l’aise ou menacés en ligne.

Le baby blues

Bébé est là, vous êtes aux anges, et pourtant vous pleurez pour un rien. Tout vous paraît insurmontable, votre gorge est nouée… c'est le fameux baby blues. Ne soyez pas inquiète, ce syndrome qui touche la majorité des jeunes mamans ne dure généralement que quelques jours.
Un gros coup de déprime
C'est en fait le passage psychique décalé par rapport à l'accouchement physique, c'est donc un état "normal" bien qu'anxiogène. Les sages-femmes le connaissent bien, et il peut être aussi déclenché selon chaque femme par la notion de "ventre vide" (la fin de la complétude ou fusion) l'enfant réel différent de l'enfant imaginaire, l'ictère du bébé, la fatigue du manque de sommeil, ou l'ingérence des visites. Celles-ci viennent s'immiscer dans cette délicate relation nouvelle-née où la mère fait son apprentissage. Les ingérences de toutes sortes bloquent dans certains cas, l'accès à "l'instinct" permettant les gestes justes et la réponse positive au questionnement : "Suis-je capable d'être mère ?" Cet état dépressif transitoire peut durer 24 heures et nous avons toujours su le gérer en rassurant les mères et en leur permettant une grande nuit de sommeil réparateur… Qu'en est-il des sorties précoces ? Arrivent-elles au bout de leur baby blues ?… Celui-ci peut d'ailleurs réapparaître de façon transitoire au cours du 1er mois. Le grand étonnement des sages-femmes travaillant en PG est l'absence de baby-blues. Je l'avais moi aussi constaté. Les femmes faisant leur passage psychique (l'attachement au bébé) avant l'accouchement n'ont pas à le faire après !… Il s'agirait donc bien de cela. Rappelons-nous les confidences de nos accouchées en " baby-blues " : "Je n'arrive pas à réaliser… qu'il est à moi ?…". C'est souvent cet état, si douloureux qu'il soit qui permet à celles qui n'ont pas fait leur passage, l'intégration de leur nouvelle fonction.
Le déroulement
Le baby-blues n'est pas une fatalité, et le vécu du post-partum se fait différemment suivant les femmes. Beaucoup le vivent sans aucune perturbation. Certaines sont plus ou moins perturbées.
Dans les tout premiers jours après la naissance, la maman fait connaissance avec son bébé et devient vraiment mère.
Le premier jour, elle est euphorique et ne cesse de contempler son nouveau-né, elle fait connaissance avec lui et “l’adopte”.
Par contre, dans la période allant du deuxième au quatrième jour, la jeune mère est souvent plus triste, c’est la phase du baby-blues. Son bébé lui semble si fragile, si dépendant, qu’elle craint de ne pas être à la hauteur de la tâche qui l’attend, de ne pas être une bonne mère. De plus, elle est alors plus vulnérable, hypersensible, ce qui renforce ces émotions contradictoires, la joie et la crainte. Il s’agit d’une dépression passagère touchant beaucoup de jeunes mamans, qu’elles aient ou non déjà d’autres enfants.
La fatigue de la grossesse et de l’accouchement, les émotions vives liées à ce grand événement qu’est la naissance, la montée de lait, le bouleversement hormonal, ... sont autant de facteurs qui rendent la jeune maman plus sensible.
Symptômes
Les signes de la dépression sont variables d'un individu à l'autre. Généralement, le baby-blues se caractérise par de la tristesse, une envie constante de pleurer, des idées noires. Ces symptômes s'installent peu à peu, avant même le départ de la maternité. Parfois, le baby-blues démarre un mois après la naissance. Sa durée est plus ou moins importante, allant de quelques jours jusqu'à quelques semaines.
blog.gardes-enfants.com

L'intelligence des bébés : un territoire en cours d’exploration

Roger Lécuyer

Comment mesure-t-on l’intelligence des bébés ? Tous les stades de leur évolution sont-ils également connus ? Dans son dernier ouvrage, Comprendre l’intelligence des bébés en 40 questions, Roger Lécuyer, professeur de psychologie du développement à Paris V, présente un bilan synthétique des principales connaissances actuelles relatives aux activités cognitives du nourrisson, et leur intérêt pour comprendre le développement de l’intelligence de l’enfant puis de l’adulte.
Depuis quand les chercheurs s'intéressent-ils réellement à l'intelligence des bébés?
Les chercheurs s'intéressent précisément à l'intelligence des bébés depuis la parution d'un ouvrage de Piaget, La naissance de l'intelligence chez l'enfant, en 1936. À cette époque, on commençait à étudier le bébé, mais Piaget a été le premier à l'étudier sous l'angle de l'intelligence, en supposant l'existence d'une intelligence chez le bébé qui ne parle pas. Avant lui, on pensait que l'intelligence était liée au langage. Pour étudier les capacités intellectuelles des bébés, vous avez principalement recours à la méthode de l'habituation. En quoi consiste cette méthode?
Le principe de l'habituation est extrêmement simple : quand un être vivant ou n’importe quel animal est en présence d'une stimulation visuelle, auditive ou olfactive, il va petit à petit se détourner de cette stimulation. Considérons le bébé : dans un premier tempsil va regarder ce qu'on lui présente (objet, image, personne...) puis, progressivement, il va s'en désintéresser. Si on lui présente quelque chose de nouveau, il va avoir un regain d'attention. Il peut ensuite y avoir des variantes dans la méthode, car le bébé peut réagir non seulement à la nouveauté mais aussi à quelque chose qui est étrange ou anormal.
Existe-t-il d'autres méthodes de recherche?
Environ 90% de nos connaissances sur les bébés sont basées sur cette méthode de l'habituation. Les autres méthodes sont le conditionnement et la méthode de succion de haute amplitude, qui combine conditionnement et habituation. Dans cette dernière méthode, on met une tétine dans la bouche du bébé et on mesure son amplitude de succion. À chaque fois qu'il dépasse son amplitude moyenne, on lui envoie une stimulation et on constate alors qu'il augmente sa succion. On peut donc jouer là-dessus pour faire apparaître des stimuli différents. C'est une méthode qu'on utilise surtout chez les nouveau-nés, mais peu avec les bébés plus grands. Parallèlement, il y a aussi les méthodes d'observation, mais on obtient toujours moins d'informations par l'observation que par l'expérimentation. Qu'entend-on exactement par "intelligence" des bébés?
Pour moi, l'intelligence des bébés, ou l'intelligence des adultes, consiste en une fonction d’organisation des connaissances. On peut donc parler d'intelligence à partir du moment où on constate des formes d'organisation.
La forme la plus élémentaire de l'organisation des connaissances, c'est la discrimination : "ceci est différent de cela". Cette première forme existe chez le fœtus, qui peut différencier un son d'un autre son. Cela constitue déjà une forme d'organisation des connaissances, donc un premier niveau d'intelligence. À 3 mois, les bébés sont capables de faire des catégories, c'est un deuxième niveau d'organisation des connaissances. Et puis ensuite, les connaissances se compliquent, le langage intervient et, progressivement, l'intelligence continue à se développer.
Cette intelligence est-elle mesurable?
Selon moi, l'intelligence n'est pas mesurable, car l'intelligence n'est pas une capacité, mais une fonction. Il n'y a pas d'intelligence indépendamment des connaissances. Or, toute l'histoire de la mesure de l'intelligence consiste à essayer de mesurer l'intelligence indépendamment des connaissances. Cette démarche n'a donc pas de sens.
Par ailleurs, si nous entrons dans la problématique des gens qui mesurent l'intelligence par des tests de QI, il existe chez le bébé l'équivalent des tests de QI, lesbaby tests, par exemple le Brunet-Lézine. Mais il s'avère qu'aucun de ces tests n'est prédictif, cela signifie que si on fait passer un test de QI à un enfant de 10 ans, son résultat prédit relativement bien sa performance – ce que certains appellent son intelligence – à 20 ans. En revanche, si on fait passer un test à un enfant de 1 an, ça ne prédit rien de ses performances futures.
En matière d’"intelligence" des bébés, quels sont les sujets sur lesquels la recherche a le plus avancé ?
Ces 20 dernières années, les connaissances ont principalement progressé dans le domaine de la perception du monde physique – tout ce qui concerne la manière dont les bébés perçoivent l'espace et les objets.
Depuis environ 5 ans, les chercheurs et spécialistes des bébés s'intéressent à tout ce qui touche au monde des personnes. Jusqu'à une époque récente, on savait très peu de choses dans ce domaine, mais les connaissances sont en train de progresser très rapidement. La connaissance des autres, la communication, la connaissance de soi..., sont dorénavant des thèmes qui sont au cœur de l'actualité dans la recherche sur les bébés.
D'autres domaines de recherche sont encore aujourd'hui au stade des balbutiements, en particulier la connaissance du cerveau. Actuellement, les recherches en électroencéphalographie se développent. Mais pour des raisons éthiques, on ne peut pas faire d’imagerie cérébrale avec un bébé sain, donc on en fait sur des bébés qui ont des gros problèmes et une prescription médicale. C’est-à-dire très peu de bébés.
À l'opposé, quels sont les sujets qui restent les plus mystérieux pour les chercheurs ?
Le sujet le plus mystérieux reste le cerveau des bébés, malgré les premiers pas de la recherche dans ce domaine. Du point de vue de la psychologie de l'adulte et même de l'enfant, c'est un secteur que l'on connaît bien, mais on sait très peu de chose sur les bébés.
Par ailleurs, si le monde social du bébé est au cœur de l'actualité, il reste aussi très mystérieux. C’est un domaine de recherche en plein développement, et on a encore beaucoup à apprendre à propos de la relation des bébés aux autres.
En revanche, dans les domaines que l'on étudie depuis 30 ou 40 ans comme la perception et l'aspect sensoriel, ou depuis 20 ans comme le monde des objets, les connaissances sont beaucoup plus avancées.
En tant que chercheur étudiez-vous les bébés à tous les âges?
Dans mon activité de recherche, j'étudie les bébés de 3 à 5 mois, comme la plupart des autres chercheurs. Car, la méthode de l'habituation utilisée, qui consiste à présenter des situations ou des objets aux bébés, fonctionne essentiellement avec les bébés âgés de 3 à 5 mois. À moins de 3 mois, les bébés ont du mal à tenir leur tête, et souvent, après 6 mois, ils n'ont plus envie de rester dans un siège à regarder des images. Il est donc beaucoup plus difficile d'expérimenter avec des bébés d'1 an par exemple. Nos connaissances sur les bébés de 1 à 2 ans sont donc moins bonnes que celles sur les bébés de 3 à 5 mois. Cependant, de plus en plus de chercheurs se lancent dans ce type d’expérimentations.
Avec les enfants plus grands, les expérimentations redeviennent possibles. Si on propose un jeu à un enfant de 2 ans et demi, 3 ans, il comprend et, en général, il accepte.
Existe-t-il des âges charnières dans le développement des bébés ?
On a longtemps pensé qu'il y avait des âges-clés dans le développement des bébésPiaget en particulier avait une théorie du développement basée sur la notion de stades.
Mais plus nos connaissances progressent, moins ces stades paraissent évidents. On peut même dire aujourd'hui qu'il existe des "non-âges-cléss". Par exemple, les moments où le bébé tient assis et qu'il libère ses mains, puis en vient à faire ses premiers pas et devient autonome, étaient considérés comme des étapes importantes. Or ces étapes ne paraissent plus aussi décisives qu’on l'a pensé, sans doute parce que les bébés ont déjà acquis beaucoup de connaissances à ces moments de leur développement.
Les bébés ou les nouveau-nés ont-ils des capacités particulières par rapport aux adultes ?
De la naissance jusqu'à 6 mois environ, les bébés sont capables de faire la distinction entre des sons de toutes les langues, alors que nous ne sommes capables de distinguer que des sons de notre langue ou de langues que nous connaissons. D'ailleurs, l'une des difficultés que rencontrent les adultes dans l'apprentissage d'une langue étrangère réside dans la distinction des sons. Jusqu'à 6 mois, le bébé babille en produisant des sons qui peuvent appartenir à toutes les langues, puis à partir de 6 mois, il commence à babiller dans sa langue. La capacité de distinguer les sons se perd donc avec l'apprentissage de la langue.
On peut aussi citer les travaux de recherche d'un collègue français travaillant en Angleterre, Pascalis. Il a montré que les nouveau-nés ont des capacités de discrimination de différents visages de singes et d'hommes, alors qu'à partir de 9 mois, les bébés peuvent toujours distinguer deux visages de femmes ou d'hommes, mais plus des visages de singes. Le bébé, en grandissant, perd donc cette capacité. Inversement, les très jeunes bébés singes sont capables de faire la distinction entre deux visages humains, puis après quelques mois, ils ne peuvent plus. Cette découverte modifie les connaissances que l'on avait sur la perception du visage humain par le bébé. On a beaucoup dit en effet que la reconnaissance du visage humain était innée chez les bébés, mais il semble bien qu'il existe une manière spécifique de traiter le visage par rapport à n'importe quel autre objet.
En dehors des besoins vitaux, quelles sont les conditions indispensables au bon développement des bébés?
Plusieurs conditions sont indispensables au développement des bébés : tout d'abord, l'affection, ensuite la communication — les bébés ont un grand besoin de communiquer avec leur environnement social —, puis aussi le jeu. Le bébé doit jouer avant même d'être capable de tenir un jouet. Dans la communication, il y a déjà un aspect jeu, mais le jeu avec les personnes est très important pour le développement des bébés et de leur intelligence.
Depuis 50 ans, l'environnement des bébés, la connaissance sur le développement des bébés et le comportement des parents vis-à-vis des bébés ont énormément évolué. Tout cela influe-t-il sur les capacités et l'intelligence des bébés ?
En abordant la question d'un point de vue théorique innéiste, il n'y a pas de raison pour que l'intelligence des bébés ait progressé, puisque a priori l'environnement n'influence pas le développement des bébés.
Si comme moi, on est plus empiriste et on pense que les bébés effectuent énormément d'apprentissages dans leur jeunesse, et que ces apprentissages dépendent des conditions dans lesquelles ils se trouvent, forcément leurs capacités ont évolué avec l'évolution de leur environnement. Mais nous n'avons quasiment pas de preuves directes de cette évolution, car il aurait fallu faire des observations précises sur les capacités intellectuelles des bébés d'il y a 50 ans. Or ces informations n'existent pas.
Cependant, des baby tests ont été faits il y a 50 ans pour mesurer non pas les capacités cognitives des bébés, mais les capacités sensori-motrices. En comparant les résultats de ces tests avec ceux des bébés d'aujourd'hui, on constate que du point de vue sensori-moteur, les performances des bébés de maintenant sont plus importantes qu'il y a 50 ans. En extrapolant, il y a toutes les raisons de penser que les bébés de maintenant sont plus intelligents que ceux d'il y a 50 ans.
En outre, la progression des performances des adultes et des enfants aux tests de QI depuis 50 ans a tendance à confirmer cette thèse. Les données de l'armée d'une part concernant des hommes adultes, et d'autre part, des enquêtes menées sur l'intelligence des enfants en âges scolaire en 1948 puis en 1988, montrent en effet que le QI des adultes et des enfants a progressé d'environ 20 points en France en 50 ans. Cette progression touche en particulier les catégories sociales dans lesquelles le QI était le plus bas, ce n'est donc pas une montée homogène.
Ce qui est vrai pour l'adulte et l'enfant a des chances d'être vrai pour le bébé, même si on n'en a pas les preuves directes, d'autant plus que l'environnement des bébés a certainement beaucoup plus changé que celui des enfants d’âge scolaire.
© DUNOD EDITEUR, 3 Juillet 2002

AU SECOURS ! MES PARENTS DIVORCENT !

Le divorce des parents (ou la séparation pour les couples qui vivent en concubinage) est pour tout enfant un événement majeur qu'il n'a pas choisi de vivre, qui lui est imposé par ses parents. Ces derniers ont donc le devoir de faire en sorte que l'enfant en souffre le moins possible. Pourtant, ce n'est pas toujours chose facile à réaliser car eux-mêmes vivent un moment très éprouvant de leur vie d'adulte. Mais cependant malgré tous les bouleversements, toutes les vicissitudes, ils doivent avoir le souci majeur de préserver leur enfant au maximum afin de ne pas troubler son développement psychique.
Cette page a pour but d'aider ceux qui vivent cette épreuve à y voir un peu plus clair.
L'époque précédant le divorce :
Le divorce est presque toujours précédé de signes annonciateurs : querelles de plus en plus fréquentes, critiques, récriminations, menaces, injures voire violences caractérisent assez souvent l'ambiance familiale qui règne au foyer avant la décision définitive. Bien sûr, il faut faire en sorte que l'enfant ne soit pas le témoin de ces disputes mais malgré tous les efforts des uns et des autres, l'enfant va être affecté par cette atmosphère délétère. Vouloir lui cacher que quelque chose ne va pas dans le couple serait pure hypocrisie qui accroîtrait son malaise. Il faut donc lui expliquer avec des mots simples que son papa et sa maman se sont beaucoup aimés mais qu'en ce moment ils ont du mal à vivre ensemble. Le rassurer en lui expliquant que, quoiqu'il arrive, ses parents resteront toujours ses parents. Ce n'est pas lui qui divorce mais ce sont ses parents. Le divorce doit rester une affaire qui se règle entre adultes et il faut se garder absolument d'y mêler les enfants. Sinon, l'enfant se sentira coupable d'avoir pris parti pour l'un ou pour l'autre. Ce n'est pas à lui non plus de donner son avis sur un éventuel divorce. S'il était ainsi sollicité, il perdrait sa place d'enfant ce qui n'irait pas sans dommage pour sa santé psychique.
Donc essayer au maximum de tenir l'enfant à l'écart des disputes répétitives suivies de réconciliations éphémères qui lui donneraient l'image angoissante d'un ambiance familiale imprévisible. Expliquer simplement ce qu'il en est de la situation actuelle en insistant bien sur le fait que ce sont des histoires d'adulte et que lui n'est pour rien dans les conflits qui opposent ses parents.
Changement de lieux, changement de rythmes de vie :
Le divorce une fois établi, le plus souvent, l'enfant va avoir sa résidence habituelle chez l'un des parents et ira vivre chez l'autre parent un week-end sur deux ainsi qu'une partie des vacances. Plus rarement, l'enfant peut -être alternativement chez l'un ou chez l'autre. Quelle que soit la solution choisie, c'est un changement important dans les repères spatiaux et temporels. Pour que tout se passe au mieux, les parents doivent aider l'enfant à s'y retrouver dans tous ces changements. Voir avec lui, dans une ambiance bienveillante, sur un agenda ou un calendrier, les jours, les semaines, les week-ends où il sera chez l'un ou chez l'autre. Avec les plus jeunes, utiliser un code des couleurs par exemple. Dans son nouvel espace, lui faire découvrir la nouvelle maison, le nouvel appartement, le faire participer à l'agencement de son espace personnel dans sa chambre. Choix des tapisseries, de la disposition des meubles, achat d'un ou deux accessoires qui vont l'aider à s'approprier sa nouvelle demeure. Lui faire découvrir le nouveau quartier ou la nouvelle ville en faisant des courses ou des visites. Parler beaucoup avec l'enfant à cette occasion, l'aider à exprimer ce qu'il ressent.
Expliquer le voyage en avion, en train, en voiture. Montrer la carte du trajet. Présenter les retrouvailles comme une fête. Rassurer au moment des séparations : "Tu me quittes mais c'est pour retrouver ta maman (ou ton papa), nous nous reverrons bientôt et alors tu auras beaucoup de choses à me raconter". Dans la mesure du possible, faire en sorte que ce divorce n'entraîne pas de changement d'école. Si ce n'est pas possible, essayer de différer le changement d'école, de collège ou de lycée jusqu'à la prochaine rentrée scolaire.
La communication entre les parents :
La communication entre les parents est essentielle pour le bon développement psychique de l'enfant. Si ses parents sont capables d'échanger à son sujet c'est la preuve pour lui que son existence à un sens et c'est aussi ce qui va lui permettre de ne pas être clivé entre l'un ou l'autre. Il pourra aimer ses deux parents sans trahir ni l'un ni l'autre. Il pourra prendre ses références identificatoires dans les deux modèles que représentent son père et sa mère.
Dans cette co-parentalité, les parents devront être exigeants envers eux-mêmes. L'enfant, pour mieux se repérer dans sa nouvelle vie, a besoin de rigueur, de ponctualité, qui sont autant de preuves d'amour envers lui. Si un changement survient dans le rythme des alternances de garde, il devra être expliqué à l'enfant avec des mots qui conviennent à son âge.
Communiquer, cela veut dire parler de tout ce qui concerne l'enfant, sa vie de petite écolier, sa santé, ses copains, ses jeux. Parler ensemble, échanger les points de vue au moment des décisions qui engagent l'avenir : décision d'orientation scolaire, choix de filières professionnelles etc...
Communiquer avec l'ex-conjoint pour mieux garder le contact avec les grands-parents paternels et maternels. S'ils ont eu la sagesse de ne pas trop prendre parti au moment du divorce, cela peut être assez facile. Sinon, favoriser tous les rapprochements qui pourraient avoir lieu au moment des événements exceptionnels par exemple : fêtes de Noël, anniversaires etc...
La communication avec l'enfant :
L'enfant doit pouvoir s'exprimer librement au sujet de sa nouvelle vie. Il doit pouvoir faire confiance à ses parents qui ne vont pas utiliser sa parole pour lui faire dire du mal de l'un ou de l'autre. Ce n'est pas à lui de choisir ce qui lui convient ou qui ne lui convient pas, ce choix serait source de culpabilité. Ce qui n'empêche pas de le consulter lorsqu'il faut prendre telle ou telle décision. Mais ne pas hésiter à lui expliquer que ce sont les parents qui décident, ou le juge des affaires familiales lorsque c'est nécessaire. Il en sera autrement lorsque l'enfant grandira et deviendra adolescent. Dans ce cas, il pourra exprimer ses préférences d'autant plus facilement que ses parents ne l'auront pas utilisé comme une enjeu dans leur relation de couple. Permettre aussi à cet adolescent des revirements, des changements d'opinion qui sont le fait de tout adolescent. Cependant même au moment de l'adolescence, l'adulte devra accompagner le jeune dans ses choix, au besoin, être directif en justifiant le bien fondé d'un telle décision. Pour que cette parole soit possible, le parent devra absolument s'interdire toute critique à l'égard de son ex-conjoint, du moins en présence de l'enfant, mais n'oublions jamais que les enfants ont les oreilles qui "traînent".
Il devra également faire un effort pour que les liens de l'enfant avec chacun des deux parents s'inscrivent dans une contexte de complémentarité et non de rivalité. Chacune apporte des choses différentes mais nécessaires à l'enfant. Tant mieux si les modes de vie sont différents de part et d'autre, l'enfant pourra vivre ainsi des expériences différentes, mais, par contre, les actions éducatives des deux parents devront se rejoindre pour tout ce qui touche aux valeurs essentielles : le respect de soi, le respect de l'autre. Bannir à tout prix les comptes d'apothicaire qui entretiennent un climat de suspicion, d'agressivité qui ne peuvent convenir à l'épanouissement d'un enfant. Que ce soit pour les comptes financiers ou les comptes relatifs au temps passé chez l'un ou chez l'autre. Sauf dans les cas de décisions de justice qui doivent être rigoureusement observées. Si un différend survient au sujet du mode de vie que l'enfant vit avec son autre parent, le plus simple est de s'en expliquer avec l'ex-conjoint en dehors de la présence de l'enfant. Le recours à la justice ne doit être envisagé que quand le dialogue n'est plus possible. Si l'un des parents est inquiet et croit que ce mode de vie présente un danger pour son enfant, il doit évidemment, si ses remarques sont sans effet auprès de son ex-conjoint, en référer à la justice, mais l'enfant doit rester au maximum en dehors de ces affrontements qui ont, le plus souvent, des conséquences néfastes pour le développement psychique de l'enfant. Bien entendu, l'enfant doit rester en dehors de toutes les péripéties qui tournent autour du versement des pensions alimentaires. Même si ces préoccupations financières sont un réel souci, l'enfant doit être absolument tenu à l'écart de tout cela. Se garder d'utiliser l'enfant comme un délateur de la nouvelle vie de l'ex-conjoint. Si ce dernier a reconstruit un couple avec un nouveau conjoint, s'il y a de nouveaux enfants dans ce foyer, l'enfant vous en parlera spontanément ou n'en dira rien. C'est à lui de juger s'il a envie de vous en parler ou non. Quelquefois, les soucis des adultes ont débordé sur la vie de l'enfant qui réagit mal au divorce. Des troubles du comportement peuvent apparaître, les résultats scolaires peuvent baisser soudainement.
Malgré toute la bonne volonté de chacun, il peut aussi arriver que l'enfant ait quelques difficultés à s'adapter à sa nouvelle vie, qu'il se sente coupable de la séparation de ses parents.
Alors, il faudra envisager peut-être la consultation chez un pédopsychiatre ou dans un centre spécialisé (C.M.P.P. ou C.M.P.). qui l'aidera à mieux passer cette période difficile. Vous même, vous aurez peut-être besoin d'une écoute lorsque vous vous sentirez dépassé(e) par des problèmes trop lourds à assumer.

En conclusion, pour garder le bon cap, il vous faudra avoir à l'esprit que, sauf dans les cas
extrêmes de parent maltraitant, tout ce qui contribuera à maintenir les liens de votre enfant
avec son autre parent l'aidera à grandir.



Quelques titres extraits de la bibliographie :
FABRE N. Chronique des oreilles qui traînent, Paris, Albin Michel, 1995
NEYBURGER R. Les thérapies familiales, Eres.
POMMEREAU X. Quand l'adolescent va mal, éd. Lattes.
http://pagesperso-orange.fr/genevieve.cavaye/

Le conte émerveille toujours

Histoires de fées, récits mythologiques, légendes… Le conte continue d'enchanter les enfants et un public grandissant d'adultes
Paru dans La Croix du 28/03/2007


«S’il te plaît, tu me racontes une histoire ?» Le jeune enfant qui, la nuit venant, supplie ainsi son parent, ne prononce pas le mot «conte». Un mot qu’il ignore d’ailleurs le plus souvent. Et pourtant, c’est bien dans ce monde peuplé de fées et de sorcières, de loups et de dragons, le plus souvent cruel, que l’enfant demande d’entrer.

Comment ? Il suffit qu’un parent prononce la formule magique : «Il était une fois…» pour que, comme par enchantement, la porte du monde fantasmagorique s’ouvre à deux battants et que l’enfant y pénètre avec empressement. Oui, foi de parents, les histoires de gnomes, de lutins, de princesses endormies et de princes charmants conquérants qui les ont bercés hier, plaisent encore à leurs enfants et les fascinent plus que toute autre histoire. Ni la télévision ni les jeux électroniques les plus sophistiqués n’ont réussi à les remiser définitivement au grenier des «ringardises».

Pourquoi ces folles histoires jouissent-elles d’une telle longévité et continuent-elles de se transmettre de génération en génération ? Sans nul doute parce que les contes ne se contentent pas de distraire les enfants comme d’autres productions peuvent le faire par le truchement de multiples médias.

Les contes délivrent des messages universels qui aident l’enfant à grandir

En fait, depuis la découverte de l’inconscient par Freud, nombre de travaux issus de disciplines variées – histoire, littérature, sociologie, psychanalyse – l’attestent : la force invincible des contes tient à ce qu’ils touchent les profondeurs de l’âme, là où s’affrontent avec violence les forces du bien et du mal et où se cherche le sens de la vie. À travers images et situations symboliques, les contes délivrent des messages universels qui aident l’enfant à grandir.

Ainsi le psychiatre Bruno Bettelheim fut le premier à affirmer dans son livre majeur Psychanalyse des contes de fées, paru en 1978 : «Tout en divertissant l’enfant, le conte l’éclaire sur lui-même et favorise le développement de sa personnalité». En effet, dès son plus jeune âge, l’enfant éprouve des angoisses et des peurs qui touchent aux relations dans la famille (rivalité fraternelle, crainte d’être abandonné, inceste, etc.), ou le concernent directement dans son développement (confiance en soi, renoncement à sa toute-puissance infantile, etc.).

Autant de tensions et de difficultés internes que le jeune enfant ne sait pas encore maîtriser. Or, les contes lui permettent de s’identifier à des héros qui ont les mêmes problèmes que lui (l’abandon dans le Petit Poucet, la jalousie fraternelle dans Cendrillon, la mort d’un parent dans Blanche-Neige, etc.) et auxquels ils savent trouver des solutions : l’un demandera de l’aide à plus fort que lui, l’autre rencontrera un animal bienveillant et protecteur… Et au bout du compte, une fin heureuse récompensera le héros courageux : « Ils se marièrent et eurent beaucoup d’enfants.»

La violence qui traverse ces histoires n’est jamais gratuite

Pourtant, malgré l’avidité de leurs enfants, certains parents sont encore réticents à leur raconter ces histoires anciennes ou inventées plus récemment selon la même structure initiatique, les jugeant trop cruelles. Ainsi, Élisabeth Soulier, maman d’une petite fille de 5 ans, explique son choix : «La violence est partout aujourd’hui, dit-elle. Dans la rue, au cinéma, à la télévision. Je ne vois pas l’intérêt d’en rajouter en racontant à ma fille des histoires de méchant loup ou de vieilles sorcières au nez crochu. Je préfère des histoires plus douces.»

Certes, les contes traditionnels regorgent d’horreurs, d’enfants mangés par des ogres et abandonnés à la misère et à la solitude, de forêts hantées, de menteurs, d’injustices, etc. «Pour autant, explique Yannick Jaulin, conteur professionnel et dont les créations ne sont pas exemptes de dureté ni de cruauté, cette violence est structurante à la différence de celle que l’on rencontre dans la vraie vie.

La violence qui traverse ces histoires n’est jamais gratuite mais est nécessaire au passage d’une étape, à l’acquisition d’un savoir-faire ou mieux encore d’un savoir-être.» Et de justifier ainsi la férocité du loup dans Les Trois Petits Cochons : «S’il ne mangeait pas les deux premiers cochons, comment l’enfant comprendrait-il que pour grandir il faut renoncer à rester petit ?».

Quoi qu’il en soit, depuis les années 1970, ces figures imaginaires ne cessent de sortir des maisons pour aller raconter leur vie sur la place publique. Désormais, enfants, adolescents et adultes peuvent les rencontrer et les écouter sur le bitume des cités, les ondes de la radio, dans les bibliobus, les bibliothèques, les centres de loisirs, mais aussi dans des groupes de développement personnel ou de débat, des ateliers et même à l’hôpital ou en prison.

Et les conteurs se font artistes à part entière. On en dénombre un millier pour la France, dont la moitié affirme en vivre. «Ce qui me semble tout à fait intéressant, note Françoise Coulimon, elle-même conteuse bénévole et qui suit les festivals du conte depuis leur création, c’est que le conte ne se limite plus à la sphère enfantine et ne passe plus seulement par la lecture, les marionnettes, le théâtre ou le cinéma pour enfants…».

Le conte n’a pas fini de tirer le fil de l’histoire de l’humanité

Et d’ajouter avec humour : «Nous les conteurs, nous offrons nos histoires à tous ceux qui, quel que soit leur âge, veulent grandir et refusent de vivre idiots.» Ambition démesurée pour cet art qui nous vient de la tradition orale populaire ? Pas si sûr. En effet, l’universalité et la profondeur symbolique des contes leur permettent d’être lus, relus, racontés maintes et maintes fois à n’importe quel âge et dans n’importe quel contexte.

En témoigne Laurent Foumil, père de trois jeunes enfants : «Ma femme est médecin généraliste et ne rentre jamais avant 21 heures le soir à la maison. Du coup, c’est moi qui assure le coucher des enfants et naturellement j’ai pris l’habitude de leur raconter une histoire chaque soir. En fait, dit-il, je réalise à quel point ces histoires ancestrales et d’autres plus modernes comme Harry Potter de Joanne K. Rowling ou Le Seigneur des anneaux de J. R. Tolkien me parlaient et me faisaient du bien, à moi comme parent.» Et il ajoute : «Après tout, nous n’en avons jamais fini avec nos conflits inconscients et avec notre difficulté de grandir et de devenir nous-mêmes.»

Yannick Jaulin, l’un de ces néo-conteurs, auquel est associé le monde farfelu de Pougne-Hérisson, village des Deux-Sèvres dont il a fait le «nombril de la terre», n’hésite pas à affirmer que «dans une société comme la nôtre, traversée par toutes sortes de mutations déboussolantes, le conte est une parole qui doit aussi être entendue par les adolescents, les parents et les grands-parents. Car, dit-il, le conte réconforte, enseigne, guide chacun tout en créant du lien entre tous.»

Éducateur de rue à Marseille, Franck Libernois parle lui aussi «des vertus rassembleuses» des histoires que les adolescents à la dérive viennent écouter chaque vendredi soir dans un local prêté par une paroisse de la commune. «Il y en a pour tous les goûts et toutes les traditions, dit-il, puisque ce sont des parents bénévoles africains, maghrébins, asiatiques qui animent chaque soirée et la musique est assurée par les jeunes eux-mêmes. Mais au bout du compte, on a l’impression de former la même communauté et d’affronter les mêmes défis humains » Le conte n’a pas fini de tirer le fil de l’histoire de l’humanité.


Agnès AUSCHITZKA

L'enfant et le jeu

Le jeu est une activité indispensable au développement psychique et physique d'un enfant. En ce sens, c'est une activité qui doit être prise très au sérieux pour les parents et les éducateurs qui souhaitent le développement harmonieux de la personnalité de leur enfant.
Quelle définition donner au jeu ?
On peut appeler "jeu" toute activité dont le seul objectif est le plaisir. Le jeu va aider le tout-petit à accéder au "je". L'enfant va utiliser le jeu pour faire comme s'il était indépendant et il va devenir ainsi peu à peu indépendant. Le jeu va lui permettre de s'affirmer en tant qu'individu, il va jouer à son autonomie et il va apprendre ainsi à devenir autonome. Les jeux sont de toutes les époques et de toutes les latitudes.
Le jeu de la petite enfance (0 à 2 ans)
Le jeu commence dès les premiers mois :
- jeu avec les parties du corps, les pieds, les mains,
- jeu avec les objets actuels de notre civilisation occidentale : jeu avec les hochets en tous genres, les tapis d'éveil. Le bébé en manipulant ces objets, en les triturant, en les mordillant, en les jetant, prend conscience de son propre corps et de la réalité extérieure. Il commence à classer le monde en deux catégories, le moi et le non-moi.
- jeu avec les doudous, les peluches qui vont être traînés en tous lieux pour aider l'enfant à mieux appréhender les situations inconnues. C'est la fonction de l'objet appelé "transitionnel" par les psychologues qui va rassurer l'enfant et lui faciliter la séparation d'avec ses parents à la crèche ou à l'école maternelle,
- jeu du "coucou" qui permet à l'enfant d'entrer en contact avec les personnes qui s'occupent de lui. Les premiers fous rires lorsque le papa ou la maman se cache sous un drap, une couverture. Le plaisir est pris à la fois par la répétition de l'action qui permet d'anticiper le plaisir, mais il réside aussi dans l'inversion des rôles quand le bébé est invité à se cacher à son tour et disparaître au regard de maman ou de papa. Ces jeux d'apparition et de disparition de personnes ou d'objets vont ouvrir la voie à la mentalisation. L'objet ou la personne disparue peuvent ainsi rester présentes dans la pensée et ce qui permet de supporter l'absence. Le processus psychique en jeu ouvre ainsi la voie au langage qui permet de nommer l'objet absent. C'est la porte d'accès à la fonction supérieure de l'intelligence : l'accès à la fonction symbolique.
- Le jeu des routines, jeu de "la petite bête qui monte", du "dada sur mon cheval", jeu répété attendu, sollicité, premières interactions "gratuites" c'est-à-dire sans nécessité de nourrissage ou de soins avec l'adulte.
- vers 18 mois, les jeux autour du miroir contribuent à la reconnaissance de soi. Ils sont source de plaisir, avec ou sans la participation de l'adulte. L'enfant prend conscience de son corps, de son individualité. Lacan parle du "stade du miroir" comme un moment très important dans le développement psychique de l'enfant puisqu'il prend conscience de son individualité avec jubilation.
Le jeu des premières années (2 à 6 ans)
- Tous les jeux du faire-semblant qui sont justement le champ d'exercice de la fonction symbolique : faire semblant d'être pompier, le roi, le soldat, la reine, le papa, la maman etc... Ils sont peut-être le symbole même du jeu enfantin : "je serais la reine et tu serais le roi". L'enfant joue au théâtre de la vie et se met en scène pour mieux se préparer à son rôle d'adulte.
-Jeux de peinture, dessins, qui permettent aussi de laisser une trace écrite et de développer aussi l'axe symbolique.
- Les jeux autour de la maîtrise du corps : jeux qui permettent à l'enfant de s'exercer à tous les mouvements possibles : la course, le saut, l'équilibre. Les jeux de plein air, les jeux des toboggans, des poutres, de ballon. Attraper, lancer, faire rouler, traîner , tirer, etc...Ce sont des jeux essentiels au développement psychique de l'enfant. Le développement de l'intelligence et du corps sont ici étroitement associés. L'un ne pourrait se faire sans l'autre.
- Jeux avec l'eau : transvaser, remplir, verser, éclabousser, boucher etc...
- Jeux avec la pâte à modeler pour dire des choses avec ses doigts pour exercer son imaginaire, maîtriser la matière, déployer sans risque ses fantasmes.
- Les chants, les comptines, les jeux musicaux éveillent l'attention, sollicitent l'écoute, affinent la discrimination auditive qui va aider à l'acquisition du langage oral et même du langage écrit.
- Jeux qui permettent de s'affirmer en tant qu'individu sexué : dès l'âge de 20 mois, le jouet choisi est fonction du sexe de l'enfant. Le jouet devient alors l'emblème de son sexe tout autant que le support du jeu. Le garçon s'approprie la voiture, la fille la poupée. Ce qui n'interdit ni à l'un ni à l'autre d'expérimenter de temps à autre les jouets de l'autre sexe.
Ouvrons ici une petite parenthèse sur le jeu guerrier.
Le jeu guerrier
Quelle doit -être l'attitude du parent ou de l'éducateur face au problème de l'achat du jouet guerrier ?
Le jouet guerrier répond aux fonctions classiques de tout jouet :
-Il permet au petit garçon d'ouvrir une aire de fantasme où il va donner libre cours à son imaginaire.
-Il lui permet aussi d'imiter l'adulte et de s'affirmer fantasmatiquement comme un petit adulte mâle en réduction. C'est pour cela que le jouet guerrier sera hélas plus "à la mode" dans les pays ou les enfants vivent des faits de guerre.
Si les parents s'avisent d'interdire avec autoritarisme le jeu guerrier, cela n'empêchera pas l'enfant qui a envie de s'exprimer ainsi d'utiliser toutes sortes d'objets pour simuler une arme. L'achat du jeu guerrier est lié à la position idéologique des parents vis à vis des problèmes qui surgissent entre les différents pays. Faut-il privilégier le recours à la force armée ou bien à la diplomatie ? Les événements actuels en Irak, en Afghanistan, au Liban, en Israël, en Palestine... rendent ce dilemme très aigu. L'opinion des parents sera certainement très différente dans une famille de militaire ou dans une famille d'écologiste.
Quoi qu'il en soit , le jouet étant l'outil médiateur qui permet d'exprimer son fantasme, le jouet guerrier qui ne ressemble que de très loin à une vraie arme correspond davantage à cette fonction. Il faut laisser les jouets très réalistes qui copient vraiment la réalité aux amateurs spécialisés de modèles réduits.
En tout état de causes, l'adulte doit toujours avoir un oeil sur les jeux de l'enfant. Modérer par exemple l'activité quand elle devient trop répétitive, qu'elle devient la source d'une trop grande excitabilité (avec les figurines ou les panoplies ) ou qu'elle se développe au détriment d'autres activités (sur les consoles de jeu qui simulent la guerre notamment).
Le jeu des 6 -12 ans : jeux de la socialisation
A cet âge là, c'est le jeu avec ses pairs que l'enfant apprécie surtout. Ils se caractérisent le plus souvent par des règles de jeu qui sont une préfiguration de ce que sera la vie en société avec ses règles, ses contraintes et ses satisfactions. Ce sont en conséquences les jeux éducatifs par excellence puisque ils démontrent à l'enfant le bien fondé de la loi.
C'est l'âge de l'initiation aux jeux sportifs qui sont la copie, adaptée à l'âge, des sports pratiqués par l'adulte.
C'est aussi l'âge des jeux de société qui sont également prisés par les adultes et qui permettent de se mesurer, en famille, aux parents. Dans nos sociétés occidentales, les jeux vidéo prennent une place grandissante. Certains parents s'interrogent sur le bienfait ou le danger de ces jeux. Si l'enfant les utilise pour s'isoler de la réalité extérieure, ils peuvent alors révéler la difficulté pour l'enfant à établir des liens sociaux. Dans ce cas, les jeux vidéo ont mis à jour un symptôme dont il faut s'occuper. Mais dans la plupart des cas, l'enfant invite ses copains à essayer son nouveau jeu et lui-même est invité. Les enfants discutent de ces jeux ou les échangent et si l'adulte veille à ce que ces jeux n'empiètent pas sur le temps consacré à d'autres activités, si les parents posent certaines limites, il peuvent au contraire faire du lien et contribuer à la socialisation.
Les jeux des premières années ne sont pas abandonnés pour autant : ils sont soit adaptés aux possibilités grandissantes de l'enfant, pour les activités artistiques notamment, soit repris tels quels, et constituent alors un espace de régression nécessaire : le doudou, les poupées, les peluches sont souvent conservés bien au delà de ce qu'il est permis dans les manuels de psychologie !
Les jeux symboliques sont aussi largement privilégiés. L'enfant s'y exerce avec délectation comme pour une répétition générale de ce qu'il sera à l'âge adulte. Pouvoir extrême : l'erreur est autorisée, il peut donc changer de rôle à volonté et il pressent que la vie ne lui accordera pas tant de liberté. Le jeu est donc une nécessité vitale dans le développement d'un enfant. Le rôle de l'adulte qui présente ces jeux, les accompagne, les surveille, et accorde une part d'autonomie est également capital. Le jeu peut aussi aider l'adulte à devenir parent. C'est ce qui est recherché dans les ludothèques où les parents peuvent, en accompagnant leur enfant, rencontrer d'autres parents, se rassurer auprès des autres lorsqu'ils se trouvent sans réponse devant des problèmes éducatifs.

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Petite bibliographie pour ceux qui veulent approfondir la question :
BACUS A. Bébé joue. Les jouets de l'enfant, de la naissance à trois ans, Paris, Marabout, 1998.
BRAZELTON T. B. Points forts, Paris, Stock-Laurence Pernoud, 1992.
BROUGERE G. Jeu et éducation, Paris, L'harmattan, 1995.
DOLTO F. Les étapes majeures de l'enfance, Paris, Gallimard, 1994.
WINNICOTT D. W. Jeu et réalité, Paris, Gallimard, 1975.

Bonne nuit les petits

Bien dormir est un gage de bonne santé chez l'enfant car le sommeil est indispensable à la vie. Pendant le sommeil, de nombreuses fonctions s'accomplissent. Le sommeil permet la récupération de la fatigue nerveuse et physique. Il est indispensable à la maturation du cerveau, à la mémorisation, et au bon développement corporel. La durée du sommeil varie en fonction de l'âge de l'enfant.
Bien qu'il y ait des différences individuelles, voici les durées moyennes du sommeil en fonction de l'âge de l'enfant :
-20 heures environ pour le nouveau-né.
-12 heures de sommeil la nuit et deux siestes de 1 heures 30 à 2 heures chacune pour le bébé de 1 an.
-12 heures de sommeil et une sieste à 3ans.
-12 heures de sommeil à 4 ans.
-11h.à 10h. de 6 à 10 ans
-10h. à 9h. de 10 ans à 13 ans.
Ce qui peut gêner l'endormissement :
- La prise de coca-cola avant d'aller au lit ou de toute autre boisson excitante (thé, café).
-Une prise de boisson trop importante.
-Une chambre trop froide ou trop chaude ou un enfant trop couvert ou pas assez couvert.
-Un repas trop tardif ou trop copieux.
-Des films d'horreur ou violents à la télé.
-Une activité sportive pratiquée trop tard dans la soirée ou trop intense dans la journée.
- Des discussions trop vives entre frères et soeurs ou entre parents.
-Les jeux électroniques juste avant l'heure du coucher.
Ce qui favorise l'endormissement (à moduler suivant l'âge de l'enfant évidemment) :
-La régularité dans l'heure du coucher.
-L'instauration de rituels : brossage des dents, passage aux toilettes pour bien vider la vessie
-La petite histoire racontée ou lue par papa ou maman.
-Le doudou : poupée, nounours ou simple bout de tissu pour les tout-petits.
-la veilleuse allumée.
-La porte entrouverte à condition d'éteindre la télé dans le séjour.
-Le câlin
-Le rappel des bons moments de la journée ou de ceux à venir pour la journée du lendemain.
-L'écoute des soucis de l'enfant, de ses préoccupations : écouter puis réassurer.

De mauvaises habitudes qui risquent de perturber de façon durable le sommeil de l'enfant :
-Laisser l'enfant s'endormir sur le canapé du salon : le transporter dans son lit va le réveiller ou s'il ne se réveille pas, il va perdre l'habitude de s'endormir dans son lit et refusera ensuite de rejoindre sa chambre pour dormir.
-Attendre que l'enfant s'endorme pour quitter sa chambre : l'enfant doit accepter de s'endormir seul.
S'il lui faut la présence de quelqu'un à ses côtés, c'est qu'il est trop angoissé par la séparation. Si c'est le cas, il serait peut-être utile de consulter un spécialiste : médecin ou psy.
-Le laisser s'endormir dans le lit des parents ou d'un parent pour les familles monoparentales : l'enfant doit apprendre à trouver dans son lit son apaisement personnel qui lui permet de trouver le sommeil. Il doit également différencier son espace personnel de celui de ses parents. La chambre des parents est un espace réservé aux parents auquel les enfants ne doivent avoir accès que très exceptionnellement.
-Revenir dans sa chambre dès que l'enfant vous appelle sur un prétexte quelconque pour retarder l'instant de l'endormissement : ne pas hésiter à ce moment là à être ferme. Toutefois, il faut apporter un peu de souplesse à ce principe, surtout chez le tout jeune enfant, et revenir faire quelques câlins supplémentaires si c'est nécessaire pour rassurer et atténuer l'angoisse de séparation.
-Venir vérifier qu'il s'est bien endormi au moment où il cherche le sommeil : c'est le plus sûr moyen de l'empêcher de s'endormir. Cela ne vous empêche pas de jeter un coup d'oeil dans sa chambre quand vous êtes sûr(e) (s) qu'il dort profondément.
-Ne pas associer le lit à une punition. Au contraire, expliquer à l'enfant les bienfaits du sommeil : permet le bon développement du cerveau, rôle dans la croissance etc...
Les terreurs nocturnes vers 3 à 6 ans (3% des enfants)
C'est un épisode d'agitation qui survient dans la nuit pendant la période de sommeil profond et dont l'enfant ne garde aucun souvenir. L'enfant s'assoit, hurle, pleure. La respiration est rapide, les yeux sont ouverts. Il ne faut pas réveiller l'enfant et au contraire le remettre doucement dans la position de l'endormissement.
Le cauchemar très fréquent de 4 à 8 ans.
C'est un rêve effrayant qui réveille l'enfant et dont il a parfois le souvenir le lendemain matin. Il survient le plus souvent en deuxième partie de nuit. Il faut aller dans la chambre de l'enfant, le rassurer, l'écouter vous raconter son cauchemar, lui redonner son doudou.
Conclusion :
La qualité de la veille est le meilleur reflet de la qualité du sommeil.
Voici quelques signes qui doivent vous alerter et vous amener à consulter un médecin :
-Si votre enfant s'endort au cours de la journée (en dehors de la sieste pour les plus jeunes).
-Des siestes trop longues ou une réapparition des siestes.
-Un réveil difficile avec des gestes automatiques, un défaut de vigilance.
-Une baisses des performances scolaires.
-Une certaine irritabilité, agitation ou hyperactivité souvent en fin de journée.

Quelques lectures pour s'endormir :
BODE (de) A. BROERER R. J'ai peur dans le noir . Hatier. 1996
BUCHHOLZ Quint Quand les petits ours n'ont pas sommeil. L'école des Loisirs 1994
D'ALLANCE Mireille C'est l'heure de dormir. L'école des Loisirs 1990
SAINT MARS (de) D. BLOCH S. Lili ne veut pas se coucher Calligram 1992
Mercer Mayer Il y a un cauchemar dans mon placard Gallimard Jeunesse, 2001
Pour les parents :
Dr Stéphane CLERGET, Anne LAMY Maintenant, tu restes dans ton lit ! Albin-Michel, coll. C'est
la vie aussi, 2007
Ed. INPES Dormir, c'est vivre aussi...
Site web : http://www.inpes.sante.fr/index.asp?page=30000/actus2007/021.htm

Mon enfant est agressif

Mon enfant est agressif

La violence et l’agressivité ont certainement toujours existé, mais ce qui nous pousse à nous inquiéter c’est que les agresseurs sont de plus en plus jeunes, voir même des enfants.
Les comportements agressifs des enfants durant leurs études primaires sont souvent dus à des problèmes d'adaptation à l'école. Il n’est pas rare de voir l'agressivité disparaître après l'école primaire. Jusqu’à cet âge, c’est vu comme passager. L’agressivité peut également être due à de gros changements dans la vie d’un enfant. Il y a aussi d’autres causes, comme une réponse à l’atteinte de l’estime de soi où l'enfant se sent menacé ou attaqué.
L’agressivité est associée à plusieurs problèmes sociaux dont la pauvreté, l’adolescence, les divorces, les grossesses… Il est vrai de dire que les enfants cherchent les sensations fortes et quand ils sont laissés à eux-même, ils se servent de cette agressivité pour montrer qu’ils existent. Ils ne pensent pas nécessairement avant d’agir. Ils agissent et se rendent compte par la suite de leurs gestes.
Nous pouvons faire la comparaison entre les garçons violents et les garçons moins violents. Il se trouve que les enfants plus violents proviennent de famille plus pauvres et dont les parents n’ont pas fréquenté l’école longtemps. Les adultes qui recourent à la violence sont dès leurs enfance plus agressifs que les autres, mais il ne faut pas s’alarmer, les enfants agressifs ne deviennent pas tous des adultes violents. N’oublions pas que les signes de violence à l’enfance se dissipent avec l’âge dans la majorité des cas.
La personne violente se sent diminuée et menacée face aux autres. Dans tous les comportements violents, il y a un sentiment d’autodéfense ou encore une tentative de faire subir à l’autre ce qu’il a lui-même subi. C’est aussi une tentative de maîtriser et contrôler les autres.
Les filles, tant qu’à elles, présentent moins de difficultés de comportements que les garçons.
Voyons maintenant quelques solutions. Tout d’abord, il est frappant de voir à quel point les parents ont renoncé à leur rôle de parent et comment ils sont absorbés dans leurs conflits. Alors que d’autres parents se sentent dépassés par les événements et se sentent impuissant. Il est donc important de ne pas simplement chercher à plaire à vos enfants. Il faut poser ses limites. Parler de la violence avec vos enfants. Vous êtes généralement les premiers à reconnaître qu’il y a un problème. Il est donc important d’aider vos enfants à arrêter leurs comportements en étant positif dans vos interactions. Les amener à ne plus utiliser les comportements violents pour régler leurs conflits. Si vous voyez que leur agressivité s’accroît, il serait peut-être bon de consulter un psychiatre ou un autre professionnel afin d’aider vos enfants.

Référence internet:
http://www.soinsdenosenfants.cps.ca/index.htm
http://www.angelfire.com/emo/aumajoma/

Mon enfant est-il dyslexique ?

Mon enfant est-il dyslexique ?

Quand un enfant a des difficultés à apprendre à lire, quand il lui est difficile de recopier les mots sans faute d'orthographe ou encore lorsqu'il a des difficultés à mémoriser l'orthographe des mots, lorsqu'il inverse les lettres, il est courant que des professionnels établissent un diagnostic de dyslexie, diagnostic qui est souvent associé à celui de dysorthographie.
Bien souvent les parents s'interrogent devant ce diagnostic. Que signifie-t-il ?
Ouvrons d'abord nos dictionnaires. Dyslexie est un mot d'origine grecque. Le préfixe "dys" vient du grec "dus" qui signifie "mauvais", "lexie" vient du grec "lexis" qui signifie "mot". Le Larousse donne la définition suivante : "Difficulté d'apprentissage plus ou moins importante de la lecture, sans déficit sensoriel ni intellectuel".
Quels sont les professionnels qui donnent ce diagnostic ?
Bien souvent, ce sont les orthophonistes qui, suite à un bilan, établissent ce diagnostic. Ce diagnostic peut être aussi établi dans certains centres de consultations spécialisées pour les troubles du développement de l'enfant.
Il faut savoir que les inversions de lettres, les confusions de sons, les écritures en miroir s'observent très fréquemment dans les tout premiers temps de l'apprentissage en grande section maternelle et même en cours préparatoire. Elles deviennent de plus en plus rares et disparaissent spontanément au fur et à mesure de l'apprentissage, tandis que pour un enfant diagnostiqué dyslexique, ces troubles persistent et gênent l'apprentissage.
L'enfant signalé comme étant dyslexique, est un enfant d'intelligence normale, et qui pourtant, a des difficultés dans l'apprentissage de la langue écrite. Pour mieux aider l'enfant dyslexique, on comprend que chacun, parents et professionnels, soient à la recherche des causes de cette dyslexie.
Les causes de la dyslexie :
On touche ici à la pomme de discorde des différents courants de la psychologie. Présentons ces différents courants qui tentent de donner des modèles explicatifs de la dyslexie.
La cause organique :
La thèse de la lésion organique a été très en vogue dans les années 70. Mais les preuves de lésion anatomique n'ont toujours pas été apportées. Aujourd'hui, la thèse organique se dirige vers la recherche du "gène de la dyslexie". Il existerait une susceptibilité sur certains chromosomes qui serait en cause dans la dyslexie. Cette découverte reste à confirmer. Même s'il existe des familles de dyslexique, cela ne prouve en rien l'existence d'une hérédité. Les processus d'identification, conscients ou inconscients, les effets de l'environnement familial ou social peuvent être à l'œuvre dans cette reproduction générationnelle.
La thèse du handicap socioculturel :
La quasi totalité des études montre que la proportion de mauvais lecteur augmente lorsque le niveau social s'abaisse. Certains se sont attachés à rechercher une cause éducative : un climat trop autoritaire où l'enfant n'est pas encouragé à l'autonomie intellectuelle freinerait l'acquisition de la lecture. Certaines familles, désireuses que leur enfant réussisse, sont trop exigeantes et l'enfant ne réussit pas en raison d'une trop grande pression familiale. La crainte de décevoir le fait échouer. Ce désir de réussite excessif peut se rencontrer bien évidemment dans toutes les classes sociales mais il est certainement encore plus aigu chez les parents ayant un faible niveau d'études et qui reportent sur leur enfant les ambitions qu'ils n'ont pu réaliser eux-mêmes.
L'environnement familial peut être plus ou moins propice à l'apprentissage de la lecture. Si les parents prennent plaisir à lire, si l'enfant les voit souvent en train de lire ou d'écrire, si l'écrit a une grande importance dans la vie familiale, on peut penser que l'enfant sera très désireux d'apprendre lui-même à lire.
Ce handicap socioculturel, ces attitudes éducatives, ont certainement un rôle important mais pas obligatoirement déterminant. Certains enfants de milieux modestes n'ont pas de difficultés. Dans une même fratrie, certains enfants vont être en difficulté, d'autres n'en auront pas.
La thèse cognitiviste :
Pour les chercheurs en psychologie qui ont une approche cognitive, l'enfant dyslexique est en difficulté parce qu'il ne peut traiter les signaux auditifs et visuels sur lesquels, les apprentis lecteurs s'appuient d'ordinaire pour apprendre à lire. L'enfant a du mal à faire aisément un lien entre le son entendu et l'écriture correspondante. C'est la liaison phonie/graphie qui est à travailler. Il existerait une faiblesse dans le traitement de l'information soit visuelle soit auditive en l'absence de toute lésion cérébrale.
La thèse des socio-cognitivistes :
D'autres chercheurs, les socio-cognitivistes ont une approche plus sociale de l'apprentissage. En observant les adultes ou d'autres enfants en train de lire, les jeunes enfants ont conçu des idées fausses sur la lecture et l'écriture. Chez certains enfants, ces idées fausses persistent et gênent l'apprentissage de la lecture.
Citons ces principales idées fausses :
- Lire, c'est avoir une attitude de lecteur : fixer les yeux sur la page, suivre la ligne du doigt.
- Lire, c'est deviner l'histoire qui est écrite.
- Lire, c'est apprendre par cœur.
- Lire, c'est nommer les lettres.
- L'ordre des lettres a peu d'importance. Par exemple : "il" ou "li", c'est pareil.
La thèse psychanalytique :
Pour les psychanalystes, les difficultés d'apprentissage scolaire et plus particulièrement la dyslexie, sont le symptôme de troubles affectifs. On voit certains enfants suite à un choc émotionnel (deuil, séparation ...), régresser en matière d'apprentissage de la lecture et se mettre à inverser les lettres, alors qu'avant cet événement dramatique, ils apprenaient facilement. Dolto rapporte un exemple de dyslexie collective lors de l'évacuation des jeunes parisiens, loin de la capitale, avec leurs institutrices. Au début de la seconde guerre mondiale, les autorités ont envoyé les enfants dans les villages à la campagne pour les mettre à l'abri du risque de bombardements sur Paris. Ces enfants, traumatisés par la séparation familiale, ont présenté des troubles des apprentissages. Cela met en évidence le rôle des facteurs affectif et psychosocial dans la capacité à apprendre. Pour les psychanalystes, l'échec dans l'apprentissage de la lecture et de façon plus générale, la difficulté à entrer dans les apprentissages scolaires est à interpréter comme un avatar de la problématique œdipienne. La crainte de dépasser un des parents, ou un frère ou une sœur aînée, est en lien avec l'angoisse de castration. L'enfant qui ne veut pas grandir n'a aucune raison d'apprendre à lire.
A l'inverse, la réussite scolaire est à comprendre comme un effet du refoulement qui détourne la pulsion vers des fins socialement valorisées. Apprendre à lire, c'est rentrer dans un code social. Les règles de lecture et d'écriture sont totalement arbitraires, elles n'ont de valeur que parce qu'elles sont reconnues par tous. Leur utilité est incontestable puisqu'elles permettent de nous comprendre, mais l'enfant qui a des difficultés à se soumettre à la loi, aura aussi des difficultés à admettre le bien fondé de ce code. On touche là aussi à un aspect de la problématique œdipienne.
Conclusion :
Comme très souvent en psychologie, nous sommes confrontés à une pluricausalité. Il faut être attentif à ce que ce diagnostic ne réduise pas l'enfant à son trouble. Votre enfant, même dyslexique doit pouvoir apprendre à lire. Son rythme d'acquisition sera au départ un peu lent mais, pour autant, il rattrapera son retard si vous avez confiance dans ses possibilités. De toute façon, l'acquisition de l'orthographe et même la maîtrise du code écrit ne sont jamais terminées. Elles se prolongent bien au delà de la scolarité. Qui peut se vanter de ne jamais faire de fautes d'orthographe ? Au pire, si votre enfant même en grandissant était toujours en difficulté, il pourra très bien réussir dans des professions qui font moins appel à l'écrit que d'autres. N'accusez pas la méthode pédagogique employée par l'enseignant de votre enfant. Vous jetteriez le discrédit sur l'enseignant et l'enfant ne lui ferait plus confiance. Comment votre enfant pourrait-il travailler à l'école si vous critiquez la personne qui est chargée de cet apprentissage ? D'autres enfants dans la classe apprennent sans difficulté avec cette méthode, alors le problème n'est certainement pas une question de méthode.
L'aide orthophonique peut être d'un grand secours si les difficultés se situent au niveau des processus d'apprentissages. Si la discrimination auditive et visuelle est défaillante. Mais si les troubles sont plutôt d'ordre affectif, une thérapie qui permettra à l'enfant d'exprimer ce qu'il ressent, l'aidera davantage qu'une rééducation orthophonique. Dans ce cas, la difficulté en lecture n'est qu'un symptôme du mal-être. Lorsque l'enfant aura dépassé son problème affectif, le symptôme disparaîtra.
En tout état de cause, gardez vous bien de l'acharnement pédagogique qui éloignerait votre enfant de la lecture pour très longtemps. Diversifiez les entrées dans la lecture, privilégiez celles qui sont peu utilisées en classe en raison du trop grand nombre d'enfants. Achetez avec lui des magazines de presse enfantine. C'est en fréquentant le code de l'écrit qu'il arrivera à le maîtriser de mieux en mieux. Beaucoup de jeunes régressent à l'âge adulte parce qu'ils ne lisent pas ou n'écrivent pas assez. On peut faire des progrès en lecture et en orthographe en utilisant Internet. ou un cédérom bien choisi. Fréquentez avec lui les bibliothèques de quartier. Leur département "Jeunesse" est souvent très attrayant. Encouragez-le à constituer sa bibliothèque personnelle. Une partie de l'argent de poche peut être utilisé dans ce but. Ne pensez pas que les livres que vous avez gardés de votre enfance l'intéressent obligatoirement. Montrez-les lui comme on montre une photo souvenir. Votre enfant sera certainement très sensible à vos souvenirs d'enfance mais ce sont les vôtres il n'a pas forcément envie de se les approprier. Faites du livre un objet personnel. Ainsi dans une fratrie, chacun doit savoir à qui appartient tel livre. Pour autant les échanges les prêts entre frères et sœurs ou entre camarades sont de nature à développer le goût pour la lecture. On peut prendre du plaisir en lisant un livre mais aussi en échangeant avec autrui pour connaître son point de vue. Soyez à l'écoute de votre enfant, au plus près de ses centres d'intérêt. Cherchez des lectures en rapport avec ses thèmes préférés. Il se passionne pour les voitures, ne vous obstinez pas à lui faire lire des contes de fée sous prétexte que vous les adoriez quand vous aviez son âge. Et surtout, ne pas oublier que la motivation du sujet est à la base de tout apprentissage réussi. L'enfant doit avoir le désir d'apprendre à lire et à écrire, il doit avoir envie de communiquer par la langue écrite. Tout ce qui sera fait pour faire naître en lui cet appétit vers les livres et vers l'écrit sera porteur de réussite.


Pour avoir d'autres éclairages sur ce trouble :
http://www.esculape.com/fmc/dyslexie.html
http://pagesperso-orange.fr/genevieve.cavaye
BERT,C. "Dyslexie : ces enfants qui n'arrivent pas à lire", Sciences humaines, Octobre 1999, n°98
DOLTO,F. (1989), "L'échec scolaire", Ergo Press.

Aider l’enfant dyslexique à retrouver sa place d’écolier : un processus de remédiation

Interview. Bernard Jumel

Alors que les difficultés scolaires liées à la dyslexie sont de plus en plus souvent considérées comme un handicap et, à ce titre, abordées sous un angle quasi médical, Bernard Jumel nous présente une autre approche. Avec Comprendre et aider l’enfant dyslexique (Dunod, 2005), il apporte son éclairage de psychologue scolaire pour faire prendre conscience du rôle central de l’écriture comme instrument d’autonomie et de la vraie mission des rééducateurs, enseignants et parents dans ce processus de « réapprivoisement » de l’écrit. Un ouvrage étayé de nombreux cas d’observation commentés.
Quel regard portez-vous sur l’apprentissage de l’écriture dans l’approche de la dyslexie ?

J’ai souhaité montrer que l’écriture était un système complexe, dont l’histoire montre bien qu’il s’agit d’un système inventé et réinventé par des générations et des générations, parallèlement à l’évolution de la pensée.
Avec l’écriture alphabétique, l’enfant est aux prises avec un système hérité de plusieurs millénaires, produit d’une activité sociale consciente et volontaire, dont l’acquisition ne relève pas d’une disposition naturelle chez lui. On n’apprend pas un système d’écriture comme on apprend à marcher. Il faut, pour le maîtriser, l’accompagnement des adultes auxquels il a été transmis, eux-mêmes volontaires pour le transmettre à leur tour. La maîtrise de l’écriture alphabétique relève de la transmission de culture et non de la « nature ». L’histoire de l’écriture est en lien avec l’histoire de la pensée, elle-même en lien avec l’histoire des relations entre les hommes.
L’écriture alphabétique s’appuie sur une manière singulière de penser les différences entre les personnes responsables. Cette façon de penser les différences peut être datée du Ve siècle avant Jésus-Christ à Athènes, et c’est à partir de cette date qu’elle s’est intégrée à l’écriture en organisant, de la façon que l’on connaît aujourd’hui et que l’on applique dans tous les domaines, notre temps et notre espace de représentation.
L’écriture alphabétique, avec cette maîtrise nouvelle de l’espace et du temps de représentation, est organisée sur une différence fondamentale dans le langage, celle des voyelles et des consonnes. Leur association, sur un plan psychologique, relève moins du son et de sa conscience – la fameuse « conscience phonologique » – que d’un jeu mental de liaison entre des principes que tout oppose. Et le jeu mental de liaison est possible pour autant que l’enseignement de la lecture et de l’écriture offre analogiquement à l’enfant l’image d’une liaison possible entre deux rôles dans l’enseignement, ceux tenus par l’adulte qui enseigne et l’enfant qui apprend. Si ces rôles sont jouables, c’est pour l’enfant la garantie qu’apprendre n’est pas périlleux. Aussi le recours à la seule conscience phonologique pour parler d’assemblage entre voyelles et consonnes et pour aborder la dyslexie me paraît-il une erreur. C’est en tant que psychologue que j’aborde la relation de l’enfant dyslexique à l’écriture.


La vocation « pédagogique » de l’enseignant dans l’accompagnement des enfants dyslexiques est-elle suffisamment valorisée ?

Je reconnais que mon approche confère aux enseignants une responsabilité énorme. Ils la vivent dans leur pratique quotidienne. Mais sont-ils entendus ?
En 2003 s’est déroulée une Conférence nationale de consensus qui réunissait des pédagogues autour de spécialistes de l’apprentissage de la lecture. Les contributions des spécialistes ont essentiellement porté sur les processus d’apprentissage, et très peu sur l’enseignement de la lecture et de l’écriture.
Il y avait pourtant une demande évidente chez les enseignants, qui disposent souvent d’éléments très intuitifs sur la manière de procéder.
A l’issue de la conférence de consensus, les pédagogues sont tout de même parvenus à extraire des propos des spécialistes des indications très intéressantes, mais aussi des questions sur l’enseignement et l’apprentissage de la lecture et de l’écriture. Mais aucune publicité n’en a été faite par les responsables de l’Education nationale.
On le voit, s’il y a un hiatus, il ne réside pas dans l’implication des enseignants, ni dans leur intérêt pour la pédagogie, mais plutôt dans le peu de retentissement que cela peut avoir au niveau institutionnel – sans doute parce que les responsables de l’Education nationale ne placent peut-être pas suffisamment la pédagogie au centre de l’enseignement.


La façon d’aborder la dyslexie est-elle différente à l’étranger ?

A l’étranger – aux Etats-Unis par exemple – les approches sont à peu près semblables aux nôtres. Il y a deux conceptions qui s’excluent : il y a d’une part une approche centrée sur la prise en compte de l’équipement de base de l’enfant – neurologique ou autre – et, d’autre part, une approche relationnelle.
Le mouvement qui est engagé va malheureusement davantage dans le sens de la médicalisation. Ainsi, dans un rapport de l’Organisation mondiale de la Santé publié en 2001, on peut lire qu’environ 10 à 20 % des enfants scolarisés présentent des troubles constituant un handicap mental, mais qui ne sont ni diagnostiqués, ni soignés. Parmi les troubles recensés, la dyslexie concerne 4 % des enfants scolarisés.
Cette démarche est gênante, car considérer d’emblée que les problèmes de dyslexie sont du ressort de la santé et de différences dans les compétences inhérentes à l’enfant lui-même, conduit à chercher seulement les réponses du côté médical ou paramédical.


Quelle est la démarche des professionnels de l’enfance dans l’approche de la dyslexie?

Les personnes qui travaillent dans l’adaptation scolaire, qu’ils soient psychologues ou maîtres spécialisés, ont une démarche intuitive. Ils se centrent sur les problématiques d’apprentissage et perçoivent bien ce qui serait à leur portée s’ils pouvaient développer entre eux davantage d’échanges pour analyser ensemble ce qui marche et ce qui ne marche pas.
Mais la tendance qui consiste à déposséder les enseignants et les enseignants spécialisés de cette part de leur métier qui relèverait désormais du médical fait que, pour beaucoup d’entre eux, ils se convainquent qu’il y a là quelque chose qui relève de l’équipement intime de chaque enfant qui, par définition, échappe à leurs compétences. J’ai écrit cet ouvrage dans le but d’aider les enseignants à revendiquer dans leur champ de compétences le travail d’accompagnement des enfants dyslexiques. Il faut leur redonner confiance dans ce qu’ils peuvent faire. Ils sont en effet les mieux placés pour le faire s’ils y sont aidés.


Vous plaidez pour un véritable accompagnement de l’enfant : outre l’enseignant, quels doivent être les acteurs de ce processus de remédiation ?

Je considère que l’enseignant est au cœur de la remédiation. L’idéal serait que les enseignants puissent travailler ensemble en petits groupes puis échanger sur le cas dans lequel ils se sont impliqués. L’échange peut notamment se faire avec un psychologue : il faut en effet un regard extérieur mais impliqué. Cela aide beaucoup de pouvoir mettre des mots sur des situations sur lesquelles on achoppe. Quand on est trop impliqué par un enfant – sur un mode réactionnel en particulier – l’échange entre adultes travaillant conjointement permet de prendre une distance, de réanalyser, de voir que la démarche avec cet enfant nécessite d’autres détours sur lesquels il n’y a pas à craindre d’innover. L’Ecole peut en offrir les moyens. C’est ce que nous avons voulu montrer dans ce livre, en s’appuyant sur des exemples très détaillés.


Comment les « groupes d’aide » prennent-ils en charge l’accompagnement des enfants dyslexiques ?

Avec les enfants dyslexiques, il faut une relation de proximité. Ce sont des enfants qui n’ont pas vraiment d’autonomie. Ils ont une réelle problématique de séparation. Ils éprouvent une difficulté particulière à se retrouver seuls pour pouvoir réfléchir.
De ce fait, dans l’apprentissage, ils éprouvent une difficulté singulière sur l’écriture, car ils doivent être eux-mêmes séparateurs. Sur le plan cognitif, cela se traduit par une difficulté à décomposer un mot en syllabes, par exemple. Il faut savoir que la problématique de séparation est inhérente même à l’état enfantin.
Il y a souvent méprise sur le sens des difficultés des enfants. On oublie trop souvent en effet que les enfants sont des enfants et qu’ils ont besoin d’être tenus par la main par les adultes pendant le temps de l’enfance.
Or les enfants dyslexiques se recrutent parmi les plus dépendants, ceux qui ont le plus besoin de la présence des adultes, même quand ils passent aux yeux de leur entourage pour sociables voire débrouillards, ce qui n’est pas contradictoire. Quand je dis qu’ils sont dépendants, je veux dire qu’ils redoutent d’abord d’être seuls. Il leur faut des groupes restreints pour progresser. Il s’agit bien de groupes d’aide et non de classes de soutien. Les groupes se réunissent une ou deux fois par semaine, ils permettent de mettre en place la relation au sein du groupe. L’enseignant doit jouer le jeu de la captation de l’attention des enfants.
Là, ils sentent l’adulte plus proche d’eux, en même temps ils peuvent tirer profit du groupe et sont, de ce fait, mieux en mesure de dépasser les obstacles.
Dans les observations que j’ai faites, les enfants dyslexiques mettent à profit cette situation pour acquérir un sentiment de continuité dans leur relation avec le groupe et une continuité du sentiment d’existence, malgré les interruptions entre les séances. Il y a quelque chose de très fort dans ce phénomène de co-construction d’une histoire des rencontres du groupe dont on est acteur, qui n’est pas très différent de ce que l’on retrouve en psychothérapie – même si l’on ne se trouve pas ici dans le cadre d’une psychothérapie.





Quelle contradiction voyez-vous entre le système d’évaluation de l’Education nationale et l’approche de la dyslexie ?

Je pense que l’évaluation doit venir après l’enseignement, cela correspond d’ailleurs à ce que pratiquaient les enseignants il n’y a pas si longtemps. Cela permettait de se rendre compte de ce que l’enfant avait réellement gagné dans le processus.
L’évaluation avant l’apprentissage – en début d’année – place les enfants dans la position de répondre à des questions verbales qui correspondent plus à une vision et aux compétences d’un adulte. Ils ne devraient pas être laissés seuls face à leur tâche. L’évaluation nationale telle qu’elle est pratiquée se réfère donc à un point de vue d’adulte. De ce fait, elle met en évidence les enfants qui ont du mal à être seuls et qui sont les plus fragiles affectivement.
De cette fragilité on fait un contresens, on postule que la différence n’est pas entre fragiles et moins fragiles, mais entre ceux qui possèdent et ceux qui ne possèdent pas, ceux qui ont l’équipement et ceux qui ne l’ont pas…

Quel bilan le lecteur peut-il tirer des différents cas d’observation présentés dans l’ouvrage ?

J’ai choisi des cas d’observations assez diversifiées pour montrer la différence des outils, des approches, mais aussi la différence de nature des observations, ainsi que la grande diversité de façons dont les enfants se présentent et les types de remédiation envisageables.
L’objectif était de fournir des éléments d’analyse, de présenter la grande diversité des cas que l’on peut rencontrer, afin de montrer la façon dont l’enfant répond, dont il pense, dont il réagit, dont il utilise – ou non – la présence que l’on a auprès de lui. Ensuite j’ai voulu montrer de quelle manière tout cela se met en place, et parfois de façon quelque peu surprenante.


Dans ce rapport à l’apprentissage, comment se répartissent les rôles des enseignants et des psychologues ?

J’ai eu l’occasion de travailler avec des enseignants de Français en collège, par exemple : dans la pratique avec le groupe d’enfants, je n’imaginais pas que ma manière serait différente de la leur. En réalité, j’ai réalisé que je faisais une erreur parce que, de par leur fonction, ils portaient une certaine anxiété avec eux, une anxiété de réussite, une anxiété que l’enfant apprenne, alors qu’en tant que psychologue j’avais une bien plus grande tranquillité quant au fait que l’enfant avait besoin de l’adulte, qu’il suffisait d’être avec lui sans avoir pour autant à devoir lui faire porter le poids de notre anxiété d’y parvenir. Il y a donc une réelle différence de ce point de vue.

Par contre, quand j’ai travaillé avec des enseignants de maternelle ou de primaire, et plus particulièrement avec des psychopédagogues, la différence entre nous ne résidait pas tant dans la distribution des rôles qu’on pouvait avoir auprès des enfants que dans les relais théoriques dont je disposais. Le psychologue dispose en effet d’éclairages qui consistent toujours à permettre à l’enseignant de se sentir impliqué par l’enfant, sans pour autant lui laisser croire que si l'enfant adopte une forme de réponse ou une autre face à ses sollicitations, cela se joue par rapport à lui, en tant que « personne ». L’idée est bien de désangoisser les rapports, avec cette tranquillité du psychologue, qui est très confiant dans le fait que l’enfant est effectivement engagé dans un processus de développement. Le psychologue pense, non sans raison, que le temps est organisateur par lui-même. Il peut trouver le moyen de rassurer l’enseignant sur le fait que le temps nécessaire à l’apprentissage n’agit pas en persécuteur, pour lui ou pour l’enfant, mais qu’il est inscrit dans la matière même de notre système d’écriture alphabétique. Celle-ci concourt par construction à assurer la maîtrise du temps - de la mémoire - et de l’espace de représentation.

Les enseignants sont aujourd’hui dans une trop forte attente de rendement de l’enseignement dispensé : toute chose enseignée devrait immédiatement se traduire par une amélioration des performances, pour attester que le processus fait son chemin.
Or si je crois qu’il existe bien une relation entre enseignement et apprentissage, je ne crois pas qu’il s’agisse d’une relation linéaire. L’enfant dyslexique peut ainsi rester longtemps dans un groupe dans une position de retrait apparent, se contentant uniquement d’imiter les autres. Et il ne faut sans doute pas procéder avec lui par questions-réponses, car le langage, le verbe, la capacité de répondre, c’est la force de l’adulte. Il faudrait plutôt appréhender l’enfant comme quelqu’un qui peut entendre, que l’on peut accompagner mais qu’il ne faut pas « sommer » de répondre, car il n’est pas en mesure psychiquement de tenir une place d’adulte.
Dans ce cas, il faut autoriser un enfant à fonctionner dans un groupe, même s’il ne paraît pas très actif, à part pour imiter les autres. Quand il sera plus en confiance, il pourra répondre à l’adulte directement. Mais il lui faut le temps de prendre conscience que l’engagement par rapport à l’adulte n’est pas nécessairement périlleux pour lui.
Dans des fonctionnements collectifs, il est parfois aussi nécessaire de passer par des jeux ou des gestes où le verbe n’est plus si important.





À qui destinez-vous cet ouvrage ?

Ce livre est un ouvrage de psychologue qui s’adresse au plus grand nombre, même si le sujet est complexe. J’aimerais encourager tous ceux qui travaillent avec des enfants – psychologues, psychopédagogues, orthophonistes et enseignants – à considérer la part d’implication qu’ils peuvent prendre dans le travail de remédiation avec les enfants dyslexiques, en leur expliquant que l’écrit est un produit de la culture et que sa transmission relève d’abord d’un acte de transmission de culture.
Ceux qui souhaitent consulter en priorité les cas pratiques peuvent s’y reporter directement et retourner ensuite à la lecture des passages plus difficiles.
Les parents sont aussi concernés, bien sûr, même si je sais qu’ils ne se considèrent pas les mieux placés pour entreprendre un travail de remédiation. Ils sont de plus en plus avertis, d’ailleurs. La solution de remédiation efficace reste donc celle qui se déroule entre l’adulte et l’enfant et qui restitue à l’école son rôle dans le développement de l’enfant et la transmission de l’écriture, car l’écriture a une vraie fonction émancipatrice.
Si les parents prennent le temps de consulter cet ouvrage, cela permettra peut-être de contrecarrer un peu le courant du « tout médical » dans l’approche de la dyslexie et d’aider enfin l’enfant dyslexique à retrouver sa place d’écolier


© DUNOD EDITEUR, 15 Avril 2005