lundi 31 mars 2008

Autorité. Entretien Claude Halmos.doc

«L'autorité est une nécessité absolue pour l'enfant»,

par Claude Halmos

Perdus entre le désir d'être de «bons parents» et la nécessité d'imposer des règles, certains adultes ne savent plus comment résoudre l'équation de la bonne éducation. Dans «L'autorité expliquée aux parents», un livre d'entretiens très concret, la psychanalyste Claude Halmos démontre le bien-fondé de l'autorité et donne les clés pour la faire rimer avec amour et respect de l'enfant. Interview

«Il ne veut jamais aller se coucher», «C'est la guerre chaque fois que c'est l'heure de faire ses devoirs», «Il n'en fait qu'à sa tête»... Presque tous les parents connaissent ce désarroi. Ce déchirement entre l'envie d'être de «bons parents» et la nécessité d'imposer des règles, voire de punir le cas échéant.

C'est encore pire depuis que l'on a donné une si mauvaise image de l'autorité parentale, en la réduisant à une agression et à une prise de pouvoir arbitraire sur l'enfant. Or l'autorité n'est pas un choix, mais une nécessité pour la construction de l'enfant, tient à rétablir la psychanalyste spécialiste de l'enfance Claude Halmos. Dans «L'autorité expliquée aux parents», un livre d'entretiens menés par Hélène Mathieu, directrice de Psychologies Magazine, elle tente de remettre les pendules à l'heure, tout en rassurant les parents: oui, il est possible d'aimer avec autorité. C'est d'ailleurs la seule façon d'aimer adéquatement un enfant. Explications de Claude Halmos.

Face aux excès de l'enfant-roi, vous prônez un retour à l'autorité parentale. A-t-on été trop loin dans le laxisme?
On a abusé de ce terme d'enfant-roi, je ne crois pas qu'on ait été dans le laxisme, mais il y a eu un malentendu. Les parents ont peur de l'autorité parce qu'ils en ont une idée fausse, ils ont l'impression que ça ne pourrait être que ce qu'elle fut autrefois: cette volonté de soumettre les enfants à son pouvoir d'adulte. On a aussi mal lu Françoise Dolto. Si elle a prôné que l'enfant était un être à respecter, elle a aussi dit que cet être en construction avait besoin de l'autorité des adultes. Du coup, entre l'autorité qui fait peur et l'idée qu'il faut respecter l'enfant, les parents sont perdus.

Les parents ont souvent peur d'être de «mauvais parents», «injustes» ou «trop sévères». Comment les déculpabiliser?
Il ne s'agit pas de les déculpabiliser, il s'agit de leur dire que l'autorité n'est pas un choix idéologique, mais une nécessité absolument pour la construction de l'enfant. L'enfant, au début de sa vie, est un petit sauvage qui fait que ce qu'il a envie de faire, et c'est normal. Pour qu'il devienne un être capable de vivre avec les autres, il est nécessaire de changer ce fonctionnement initial.

Souvent les parents cèdent par gain de paix. Pourquoi est-ce que les enfants n'obéissent-ils pas tout de suite?
Parce qu'ils n'en voient pas l'intérêt. L'enfant ne comprend pas pourquoi il devrait changer un comportement qui lui procure du plaisir. «Le petit camion du petit copain est très beau; ce camion j'ai envie de l'avoir, donc je le prends et je fais tomber le petit copain pour qu'il ne puisse pas me courir après.» Pour l'enfant, c'est logique. D'où la nécessité de lui expliquer clairement pourquoi il ne peut pas continuer ce fonctionnement-là.

Certains parents vivent le fait de punir comme un échec. Vous dites que le conflit est inévitable?
Il est inévitable dans un premier temps, tant que l'enfant n'a pas compris l'utilité de la règle, et que c'est comme ça pour tout le monde. Que son papa ne peut pas non plus aller piquer la voiture du voisin, sinon il finit en prison. Ensuite, l'enfant voit aussi rapidement son intérêt. Un enfant qui se conduit normalement au square a des copains pour jouer avec lui. Un enfant qui agit comme une terreur est mis à l'écart par les autres. Il est le roi du monde, mais il est tout seul. Et ça, l'enfant le comprend assez vite.

L'autorité parentale a-t-elle des limites?
Les limites de l'autorité parentale sont par rapport à ce qui est demandé. On n'est jamais injuste quand on demande ce que n'importe quel parent demanderait dans la même situation. Demander à un enfant de mettre un imperméable parce qu'il pleut, c'est absolument normal. Lui imposer de mettre des imperméables vert pomme parce qu'on adore cette couleur, c'est de l'injustice. La limite est là.

Qu'en est-il de la négociation?
On peut négocier sur l'heure de rentrée d'un adolescent, ou accepter que l'enfant finisse un jeu avant de faire ses devoirs. Ça, c'est des aménagements. Par contre, sur les interdits essentiels, on ne négocie pas. Y a pas un flic au feu rouge qui va vous demander si vous seriez éventuellement d'accord pour vous arrêter! La vie ne serait pas possible ainsi. Et il faut aussi se rappeler que c'est toujours au travers de petites choses que se joue la transgression des grands interdits. Un enfant qui ne veut pas aller se coucher est un enfant qui n'a pas compris qu'il n'a pas sa place dans le couple d'amoureux que forment ses parents.

Y a-t-il des bonnes et des mauvaises punitions?
La punition, c'est à chaque parent de l'inventer, en fonction de l'enfant, de son âge, de ce qui vient de se passer. Elle est indispensable pour que l'enfant comprenne l'interdit. S'il le transgresse une première fois, un rappel à l'ordre peut suffire. En revanche, s'il persiste, la sanction est indispensable. Elle ne doit toutefois pas être humiliante, et rester proportionnelle à la faute.

La fessée et la gifle ont-elles toujours leur place dans la relation parents-enfants?
On ne peut pas poser les choses ainsi. La fessée ou la claque en soi n'existe pas, c'est toujours un geste particulier dans un contexte particulier. On ne peut pas dire que c'est une méthode d'éducation parce que ce n'en est pas une: ce n'est pas une punition banale. Mais on ne peut pas non plus la diaboliser en décrétant qu'un parent qui a donné une fessée, alors qu'il n'en donne pas d'habitude et que l'enfant a vraiment été trop loin, est un parent maltraitant. Il faut aussi laisser la place au bon sens.

Anne-Sylvie Sprenger - 01/03/2008
Le Matin Dimanche

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