mardi 4 mars 2008

L’argent dans la famille

L’argent dans la famille

L’argent n’a jamais été aussi omniprésent dans la vie de tous les jours : difficile de ne rien acheter dans une journée et impossible de se soustraire aux multiples frais de téléphone, d’Internet, d’électricité, de taxes, de loyer ou d’hypothèque.

La façon d’utiliser l’argent fait donc partie de ce que les enfants doivent apprendre pour bien s’intégrer dans la société. D’abord, l’argent est un moyen, un outil, et non une valeur ou un objectif à atteindre. Ensuite, il sert à obtenir ce dont nous avons besoin et non à répondre à des pulsions compensatoires. Troisièmement, la véritable richesse se mesure par la qualité des relations que nous établissons avec les autres. Si les biens de consommation sont le plus souvent des sources de tensions ou de conflits, c’est sans doute parce qu’ils sont devenus plus importants que les êtres humains eux-mêmes. Quatrièmement, une relation parent-enfant satisfaisante est le terrain le plus propice pour apprendre les grandes choses de la vie dont l’utilisation de l’argent fait partie; de multiples ressources sont disponibles pour appuyer les parents qui souhaitent améliorer leurs relations avec leurs enfants, ce qu’ils doivent faire bien avant que l’argent ne devienne une source de conflits entre eux.

Les premières expériences de l’enfant avec l’argent devraient simplement lui permettre d’être informé du principe de l’échange : je donne de l’argent et j’obtiens ce que je veux en retour. Si personne ne lui explique ce principe, il devra le découvrir par lui-même, parfois tardivement et de façon confuse. À l’enfant d’âge préscolaire, on peut montrer que certaines pièces valent plus que d’autres, simplement pour qu’il les manipule, en l’informant de ce qu’on peut acheter avec : un pain, quatre litres de lait, des biscuits, des fruits, etc. Lorsque l’enfant sait compter, on peut lui donner une allocation hebdomadaire compatible avec le budget familial, en fonction de son âge et de ses besoins. C’est une allocation qu’il pourra dépenser à sa guise pour ses petites gâteries s’il est jeune, et aussi pour des besoins de base lorsqu’il vieillit (transport, repas à l’école, musique, etc.); c’est ainsi que la dépense sera la plus significative. Il découvrira qu’il y a une limite à dépenser et qu’il peut acheter des objets plus coûteux par l’économie. Il est bon que cette allocation soit présentée comme un privilège associé à la vie dans cette famille et soit distincte des tâches que l’enfant doit accomplir dans la maison. Il est même préférable que les tâches usuelles de la maison ne soient liées à aucune rémunération, puisque les parents eux-mêmes contribuent à ces tâches sans être rémunérés pour autant. Ainsi, les enfants ne sont pas marginalisés ou infantilisés : on attend d’eux ce que font les parents. Non seulement c’est bon pour l’estime de soi, mais c’est aussi l’expérience de la collaboration qui se développe avec le temps : la famille contribue au bien-être de l’enfant et l’enfant contribue de plus en plus au bien-être de la famille dans la mesure de ses capacités, en dehors de tout calcul, donc en dehors de considérations monétaires. Pour certains travaux exceptionnels, les parents pourront décider de rémunérer l’enfant.

Lorsque l’enfant comprend suffisamment les chiffres, il peut commencer à connaître les montants d’argent impliqués dans la vie de sa famille : l’épicerie, le téléphone, l’Internet, l’électricité, les taxes municipales et scolaires, le loyer ou l’hypothèque, etc., sans oublier, s’il y a lieu, les stratégies d’épargne; tout ça en rapport avec les revenus familiaux, les parents précisant, bien entendu, que ces informations font partie des secrets de la famille. Le but est simplement de situer l’enfant sur ce que la famille peut ou ne peut pas fournir. Il est également important que les parents expriment à leur enfant leurs valeurs et leurs opinions tout en demeurant à l’écoute des siennes. Parfois, ce sont ces valeurs et ces opinions, bien plus que les contraintes financières, qui justifieront que l’on achète telle voiture plutôt qu’une autre, tel type de vêtement, tel type d’aliments, tel type de loisirs; et que l’on n’achète pas tel type d’appareil électroménager ou tel type de gadget électronique.

Ces valeurs et ces opinions deviennent des références crédibles qui permettront à l’enfant de développer son propre sens critique à l’égard des produits de consommation. Si l’enfant veut acheter un article que les parents jugent trop dispendieux ou qui va à l’encontre de leurs valeurs, ceux-ci doivent se rappeler que c’est celui qui paye qui a le pouvoir décisionnel : les parents ne peuvent empêcher leur enfant d’acheter un bien qu’il est prêt à payer lui-même, mais ils ne sont pas obligés d’acheter un bien qu’ils devraient payer. Le climat de confiance ainsi que les connaissances échangées de part et d’autre seront propices à une acceptation de la décision de celui qui paye. Dans certains cas, les parents peuvent « avancer » un certain montant permettant à l’enfant d’obtenir ce qu’il veut, mais selon des modalités de remboursement que l’enfant devra respecter. Le remboursement sert alors à consolider la confiance. En conclusion, lorsque la relation parent-enfant est satisfaisante, il y a confiance mutuelle et le parent influence davantage son enfant par ses propos et l’exemple qu’il projette. De plus, l’enfant expérimente lui-même la valeur de l’argent par la gestion de son allocation et il connaît les réalités budgétaires de la famille. Il apprend également que la consommation comporte une part de responsabilité, puisque certains produits ont une incidence sur la santé, sur l’équité sociale ou sur l’environnement. Il comprend également que ses parents ont de bonnes raisons de ne pas lui acheter tout ce qu’il désire. Dans ce contexte, l’argent devient aussi un moyen d’enrichir les relations familiales.

par Pierre Chénier (paru sur le site www.cpe-ressources.com)

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