mardi 4 mars 2008

Une petite psychologie de l'élève

D’où viennent les difficultés des élèves ? Comment y remédier ? Quels sont les atouts spécifiques nécessaires à l’enfant afin qu’il devienne un élève performant ? Voilà quelques-unes des questions auxquelles répond Jean-Luc Aubert, psychologue clinicien, dans Une petite psychologie de l’élève (Dunod, 2007), fruit d’une expérience de plus de vingt ans en milieu scolaire.Un livre dédié à tous les acteurs de la communauté éducative – enseignants, parents,associations et, plus largement, responsables à tous niveaux de l’éducation de l’enfant.

Comment est née cette Petite psychologie de l’élève?

Deux constats m’ont amené à cette rédaction.

Le premier concerne les enseignants : ils n’ont que huit heures de psychologie de l’enfant au cours de leur formation à l’IUFM. Une « formation » très nettement insuffisante pour comprendre et aider les trois, quatre, cinq enfants ou plus d’une classe qui ne réussissent pas
comme les autres. Sur le terrain, les enseignants confrontés à l’enfant en difficulté sont demandeurs d’un éclairage pour un meilleur accompagnement.
Le second constat concerne les parents d’élèves. Il est important, pour eux, de savoir que l’école a des attentes implicites vis-à-vis des enfants qu’elle accueille. Dès son entrée en classe et tout au long de sa scolarité, l ’école attend de l’élève qu’il dispose d’un certain nombre de prédispositions affectives, éducatives et culturelles. Je les décris dans mon ouvrage et montre comment elles se mettent en place et comment le parent peut les induire.

Quelles sont les spécificités de la psychologie de l’élève par rapport à la psychologie de l’enfant ?

Être élève demande à l’enfant un certain nombre de compétences. Ainsi, affectivement, il doit être suffisamment sécurisé : en effet dans ce cas, son énergie psychique est libre et peut se consacrer à l’apprentissage. Un enfant anxieux, au contraire va mobiliser une partie de son énergie à lutter contre son anxiété: il sera alors moins disponible pour apprendre.

L’enfant deviendra plus facilement élève si, sur le plan éducatif, il fait dans sa famille l’apprentissage d’un certain nombre de règles et des nécessaires frustrations qui l’accompagnent : cette « habitude psychique » lui permettra en effet d’accepter plus
facilement les règles et les contraintes de l’école.

La troisième grande compétence demandée à l’élève est celle d’un certain niveau de
culture et, en particulier, de langage. Le langage est, en lui-même, un indicateur particulièrement prégnant de la culture. L’enfant qui, chez lui, utilise et entend un langage riche lexicalement et syntaxiquement pourra s’approprier très vite les dires de l’enseignant: ce que lui dira ce dernier lui sera déjà, peu ou prou, familier. En revanche, celui qui n’a pas la chance de bénéficier d’un bain langagier familial se verra, dès la maternelle, lourdement pénalisé.

Les enseignants devraient-ils être davantage formés à la psychologie de l’enfant et de l’adolescent?

C’est une évidence ! J’ai d’ailleurs pu constater dans ma pratique qu’ils étaient demandeurs. Ils ont besoin de comprendre pour aider, pour accompagner. Leur fonction est très,trop insuffisante. La plupart sont obligés de se former par eux-mêmes – mais dans ce cas, qui lire? Freud, Dolto,Winnicott ? D’autres encore ? Mon ouvrage a pris en compte cette perplexité en proposant une approche théorique globale étayée par la pratique et la rencontre de milliers d’enfants, d’enseignants et de parents.


Quelles sont les principaux facteurs de difficultés scolaires?

Les difficultés affectives, réactionnelles ou chroniques sont à l’origine de maintes difficultés scolaires. Toutefois, l’expérience m’amène à dire que les carences culturelles et éducatives sont loin d’être négligeables dans l’étiologie des troubles scolaires.

Une pédagogie de qualité est-elle la réponse aux difficultés scolaires?

Tout dépend de ce que l’on entend par pédagogie. Je préfère parler de relation pédagogique. La relation pédagogique souhaitable est celle qui met l’enfant-élève dans un climat de confiance, de sécurité, fait de respect mutuel, d’échanges, de mise en perspective, en projet. Ce faisant, on instaure un «cadre psychique » qui va permettre à l’apprenant de se consacrer au mieux à la relation avec son enseignant…et donc au savoir qu’il va véhiculer.

Quelle analyse faites-vous de l’évolution de la relation élève-enseignant?

Elle a évolué très nettement au cours des vingt dernières années. Avant cela – avant mai 68 symboliquement – cette relation était fondée sur une autorité souvent proche de l’autoritarisme. Aujourd’hui cette relation est beaucoup plus égalitaire: elle demande davantage de dialogue, d’échanges, d’explications, d’attention… Le problème c’est que ce glissement s’est fait progressivement –implicitement – et qu’à aucun moment il n’a été donné à l’enseignant des clefs pour gérer cette nouvelle relation éducative.

Comment transmission des savoirs et relation humaine s’articulent-elles aujourd’hui dans la fonction éducative?

Éduquer un enfant, c’est quoi ? C’est lui transmettre les atouts affectifs, éducatifs et culturels qui vont lui permettre de s’inscrire au mieux dans notre société. En effet, si la tâche première des enseignants est de transmettre des savoirs, elle ne se limite pas à cela. Le
principe de réalité nous amène à ce constat : celui ou celle qui passe six heures par jour avec un enfant pendant dix mois apporte à cet enfant, qu’il le veuille ou non, autre chose que des connaissances. Il y a bien là une relation humaine faite d’affects. Il importe, pour le
pédagogue, d’en être conscient, de savoir ce qui se joue et comment faire avec cet affect-là. Si l’élève a tout à gagner d’une saine relation éducative, il faut savoir que l’enseignant, en retour, en retirera un épanouissement personnel certain.


DUNOD EDITEUR, 20 Septembre 2007










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